Cyril Pedrosa – Trois ombres
« Trois Ombres » fait partie de la collection Shampooing : une collection où Lewis Trondheim met tout ce qui lui plaît et qui ‘lave la tête et fait des bulles’, comme mentionné sur le site de Delcourt.
Pour ce conte fantastique, Cyril Pedrosa (« Les coeurs Solitaires », « Ring Circus ») s’est inspiré du drame subi par un couple d’amis qui venaient de perdre leur enfant. Le format de cette bande dessinée permet à l’auteur de s’exprimer en toute liberté sur près de 300 pages en noir et blanc et de nous livrer un récit intimiste prenant, relatant l’histoire de trois ombres venues s’emparer d’un gentil petit garçon nommé Joachim.
C’est l’histoire d’une course folle entre un père, incapable de se résigner à abandonner son fils à une destinée inéluctable, et une mort, représentée ici par trois ombres. Malgré un sujet difficile, Pedrosa parvient à garder un ton juste et à ne pas tomber dans le piège du pathos ou du mélo. Si la finalité de l’aventure ne fait aucun doute, tout comme le père de Joachim, le lecteur n’aura cesse d’espérer. Tout comme ce père il cherchera à protéger cet enfant, livrant un combat vain au fil des pages.
Métaphore d’une course contre la mort, ce sont l’inéluctabilité, la résignation et le deuil que le lecteur emportera avec lui, après avoir tourné la dernière page de ce récit : une page sans le petit Joachim, pour lequel il aura eu le mérite de se battre jusqu’à la fin. Trois parties bien distinctes sont identifiables dans ce one-shot : des chapitres au rythme et au graphisme différents. Trois phases au sein de ce processus d’acceptation … une pour chaque ombre.
Le dessin de Pedrosa, usant de stylo bille et pinceaux, parvient à rendre les émotions de manière admirable. Jonglant avec le blanc, le noir et ses ombres, l’auteur se place au diapason du récit et émeut. Pedrosa utilise un graphisme riche en symbolisme, allant jusqu’à décupler la taille du père au fil des événements, afin de pouvoir enfermer le petit Joachim dans le creux de son poing, serrant de toutes ses forces ce trésor qui lui est tellement cher … Magnifique !
Poésie, sensibilité, justesse et tragédie : l’exercice est certes périlleux, mais quand il est effectué avec un tel brio, c’est le neuvième art qui s’en réjouit ! Le lecteur, lui, n’est que peu de choses … et ce sont ces ombres qui donnent tout leur sens à la vie !
25 janvier 2011 à 0 h 24 min
J’ai lu ça à peine un mois avant de devenir papa. J’ai pris une très grosse et belle claque. C’est un album fin, intelligent… J’en suis vraiment fan.