Régis Hautière & Renaud Dillies – Abélard T2

On est bien, ici, hein ?

Suite et fin des aventures de ce jeune poussin qui, poussé par l’amour et par la curiosité, décide un beau jour de prendre la route. Loin du petit îlot paisible de son marais, il embarque donc pour l’Amérique, bien décidé à décrocher la Lune pour séduire sa belle.

Suite à une quête initiatique qui confrontait une première fois le regard naïf et crédule d’Abélard aux dures réalités du monde, on avait quitté notre jeune héros insouciant en compagnie de Gaston, un gros ours solitaire et plutôt grincheux. L’embarquement clandestin d’Abélard à bord de ce navire d’émigrants va cependant de pair avec un changement assez radical de ton.

Déjà confronté au racisme et à l’intolérance lors du tome précédent, le regard innocent qu’il pose sur les maux de notre société s’assombrit encore un peu plus. Face à la détresse et à la misère de ces gens qui rêvent d’un monde meilleur, il perd peu à peu sa joie de vivre. Même les maximes philosophiques qui sortent de son chapeau magique ne lui permettent plus de relativiser et ne l’empêchent pas de sombrer dans la désillusion.

« Écris tes blessures dans le sable, graves tes joies dans la pierre »

De désillusions en désillusions, la poésie du récit et les idéaux naïfs du jeune héros font place au désenchantement et aux illusions perdues. La colorisation, encore doucement chaleureuse lors du tome précédent, épouse d’ailleurs parfaitement le changement de tonalité du récit, faisant place à des tons plus sombres et plus froids. Ah qu’il est loin ce petit îlot bucolique et enchanteur où l’on était finalement si bien !

Un diptyque beau et poétique, sombre et cruel, mais surtout indispensable !

Retrouvez cet album dans mon Top du mois et dans mon Top de l’année !