Philippe Besson – Ceci n’est pas un fait divers
Le féminicide n’est pas un fait divers !
« Papa vient de tuer maman. »
À l’inverse du « happy-end » américain, Philippe Besson livre une grosse claque d’entrée en débutant son nouveau roman par ces cinq mots qui retiennent immédiatement toute l’attention du lecteur. Une phrase courte, percutante et lourde de sens, prononcée au téléphone par une gamine de treize ans qui vient d’assister à l’innommable qui se cache derrière ces cinq mots. À l’autre bout du fil, la vie du grand frère de dix-neuf ans vient de basculer. C’est lui qui encaisse l’onde de choc qui accompagne cette phrase, qui va remonter le fil de sa vie pour chercher les indices qui permettraient d’expliquer l’inexplicable, qui va sauter dans le premier train afin de recoller les quelques morceaux qu’il reste de cette famille volée en éclats et qui va se transformer en narrateur afin de mettre des mots et surtout des sentiments sur cet événement qui, pour lui, est tout sauf un simple fait divers !
À l’instar de David Lelait-Helo dans son excellent « Je suis la maman du bourreau », Philippe Besson (« Paris-Briançon ») se glisse dans la peau des victimes collatérales d’un crime. Tandis que le médecin légiste examine le corps de cette mère tuée de dix-sept coups de couteau par son mari, Philippe Besson se livre à l’autopsie de sa famille, décortiquant les prémices et les conséquences du drame avec une précision quasi chirurgicale. Des signes précurseurs, allant d’une jalousie excessive à de la violence psychologique, aux répercussions du drame, en passant par l’escalade des violences conjugales et les lâchetés de ceux qui ne sont pas intervenus, Philippe Besson fouille le passé et analyse le présent, pointant non seulement du doigt ce fait de société qui alimente trop souvent la page des faits divers de l’actualité, mais sortant surtout de l’ombre ces victimes invisibles dont on ne parle pas : ces proches traumatisés, endeuillés et meurtris à jamais !
Ce qui me séduit à chaque fois dans les romans de Philippe Besson, c’est l’élégance de sa narration, qu’il combine cette fois à l’intelligence de ne pas en faire trop, de ne pas rechercher les effets de style afin de décrire ce sujet délicat avec pudeur et grande justesse. Laissant de côté les envolées issues de ses propres tripes qui m’ont tellement séduit lors de ses ouvrages plus intimes, l’auteur de « Arrête avec tes mensonges » pose ici ses mots avec grande délicatesse sur les blessures d’un autre. S’imposant des limites à ne pas franchir, des libertés à ne pas saisir, comme une sorte de retenue qui s’impose vis-à-vis de ce récit inspiré de faits réels qu’il désire conserver au plus près de la réalité tout en se l’appropriant avec brio, Philippe Besson s’attaque au féminicide d’une plume alliant sobriété et sensibilité.
Non, le féminicide n’est pas un fait divers !
Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson, Julliard, 208 p., 20€
Elles/ils en parlent également: Anthony, Frédéric, Sonia, Karine, Kitty, Stelphique, Baz’Art, Rose, Célittérature, Elodie
21 janvier 2023 à 10 h 53 min
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21 janvier 2023 à 12 h 25 min
Je l’ai vu présenter son livre à la télé et il m’a donné envie de le lire. Un jour donc certainement…
24 janvier 2023 à 9 h 28 min
Oui, il passe beaucoup à la télé ces derniers temps avec son nouveau livre et l’adaptation cinématographique de l’excellent « Arrête avec tes mensonges » 😉
21 janvier 2023 à 13 h 55 min
Sûr, ce roman est dans mes toutes prochaines lectures. J’ai très envie de lire comment le sujet va être traité.
24 janvier 2023 à 9 h 28 min
Bonne lecture 😉
22 janvier 2023 à 9 h 09 min
Belle présentation de ce récit particulièrement réussi…C’est tout à fait vrai son style est très retenu s’attachant à décrire au plus près le vécu et surtout le ressenti de ce jeune homme et sa sœur dont ce drame a brûlé les ailes de leur jeunesse !
31 janvier 2023 à 9 h 44 min
Merci 😉