Archive for the [Avancé] Category

Marcello Quintanilha – Talc de verre

Posted in BANDES DESSINÉES, Ca et Là, Franco-Belge, One-shots, [Avancé], [DL 2016] with tags , on 14 mars 2018 by Yvan

Une dépression autodestructrice !

Marcello Quintanilha - Talc de verreAprès « Tungstène » – Fauve d’Or du polar au festival d’Angoulême 2016 – Marcello Quintanilha propose un nouveau one-shot qui se déroule au Brésil mais, cette-fois, parmi les classes supérieures de ce pays aux inégalités si criantes.

Ce thriller psychologique invite à suivre les pensées de Rosângela, une femme qui a tout pour être heureuse : un compte en banque bien rempli, une belle voiture, une famille de rêve, une enfance souriante et un cabinet de dentiste (offert par son père) dans un quartier chic de la ville. Tout l’opposé de sa cousine : pauvre, sans emploi, divorcée, un père alcoolique, un quartier sordide… mais une joie de vivre et un sourire à toute épreuve. C’est d’ailleurs ce sourire radieux qui va finir par obnubiler Rosângela, au point de remettre en cause son propre bonheur et sombrer dans une dépression qui s’intensifie chaque fois qu’elle pense à sa cousine.

Malgré une vie de rêve, cette femme qui a tout pour être comblée, tombe progressivement dans une spirale autodestructrice. Le lecteur suit donc la lente descente aux enfers de cette héroïne qui perd progressivement pied. Le portrait dressé par Marcello Quintanilha se situe à la limite de l’étude psychiatrique et la narration en voix-off permet de suivre le cheminement mental de cette femme au plus près. Le procédé narratif peut surprendre au début, mais le fait d’entrer dans le cerveau de Rosângela afin d’y capter ses émotions à haute voix s’avère toutefois d’une efficacité rare. Cette petite voix qui la fait douter de tout prend progressivement le dessus et la fait chavirer dans une folie particulièrement destructrice. Son dessin noir et blanc, d’un trait fin et réaliste, accompagne d’ailleurs avec brio ce ballet de sentiments.

Très bon !

Gess – La Malédiction de Gustave Babel

Posted in BANDES DESSINÉES, Delcourt, One-shots, [Avancé], [DL 2017] with tags , on 22 mars 2017 by Yvan

Biographie d’un tueur sur fond de Baudelaire !

Gess - La Malédiction de Gustave BabelPour son premier album en solo, Gess (La brigade chimérique, L’œil de la nuit, Carmen Mc Callum) propose un récit pour le moins singulier.

Le récit débute en compagnie de Gustave Babel, au moment où l’ex-tueur à gages vient d’être abattu dans sa retraite argentine par son ancien employeur. Profitant des derniers instants au seuil de la mort, il se remémore son passé au sein du monde du crime…

Servi sous forme de long flash-back entremêlant passages oniriques et anciennes missions, « La Malédiction de Gustave Babel » peut initialement déstabiliser. Pourtant au fil des pages et des souvenirs de Gustave Babel, Gess apporte toutes les réponses et comble tous les trous dans l’existence de son personnage. Du rôle de cette organisation mafieuse surnommé la Pieuvre à l’étrange Hypnotiseur, en passant par Mado, son amie d’enfance, tout devient progressivement clair. L’auteur renforce encore l’aspect onirique de l’ensemble en intégrant des citations de Baudelaire à la biographie de son tueur.

Si le scénario est une réussite, l’objet en lui-même est également de toute beauté. De cette couverture en relief à cette superbe colorisation qui s’installe immédiatement au diapason de cette ambiance envoûtante, Gess livre en effet un véritable sans-faute.

Un one-shot original, envoûtant et fortement recommandé, que vous pouvez retrouver dans mon Top BD de l’année !

Tristan Perreton et Ivan Brun – Prof. Fall

Posted in BANDES DESSINÉES, Franco-Belge, One-shots, Tanibis, [Avancé], [DL 2016] with tags on 13 janvier 2017 by Yvan

Enquête paranoïaque !

Tristan Perreton et Ivan Brun - Prof. FallProf. Fall est l’adaptation d’un roman écrit par Tristan Perreton en 2005 et traduit en images par Ivan Brun.

Le récit des deux auteurs lyonnais débute dans « leur » ville et invite à suivre les pas d’un employé à la Sécu au bord du burn-out et développant de surcroît une obsession morbide pour les défenestrations. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et ces gens qui se jetaient du World Trade Centre en flammes, il est en effet captivé par l’architecture verticale des hauts immeubles du quartier de la Part-Dieu et est persuadé qu’un corps tombera un jour à ses pieds lors de son passage quotidien. Lorsqu’il est pris à parti par un ancien mercenaire du Mozambique devenu proxénète et que ce dernier se jette dans le vide seulement quelques heures après leur altercation, Michel tombe dans la paranoïa totale. Fasciné par cette mort, il se fait mettre en arrêt de travail pour dépression et enquête sur le passé de ce malfrat…

Le lecteur se retrouve embarqué dans une étrange histoire mêlant alcool, antidépresseurs, prostitution, guerres civiles africaines et trafics de diamants. Voguant entre la réalité et les hallucinations de Michel, tout en passant régulièrement de la France à l’Afrique, le récit peut prêter à confusion, surtout que les auteurs entretiennent volontairement le flou entre vérité et délires. Excepté cette narration parfois un peu déconcertante et quelques passages didactiques un peu trop bavards, la folie et l’enquête de Michel ne manquent pas d’intérêt. Le scénario s’avère donc certes exigeant, mais il vaut certainement le détour.

Visuellement, ce bel ouvrage édité par les éditions Tanibis est une réussite absolue. Le trait brut et réaliste d’Ivan Brun accompagne les errances du personnage principal avec grand brio. Des décors urbains lyonnais aux paysages africains, le dessinateur livre un véritable sans-faute, notamment en proposant quelques transitions d’une justesse impressionnante entre passé, présent, réalité et hallucinations.

Une belle surprise !

Marc-Antoine Mathieu – Otto, l’homme réécrit

Posted in BANDES DESSINÉES, Delcourt, Franco-Belge, Marc-Antoine Mathieu, One-shots, [Avancé], [DL 2016] with tags on 25 novembre 2016 by Yvan

La quête identitaire d’un artiste !

Marc-Antoine Mathieu - Otto, l’homme réécritCe nouveau one-shot signé Marc-Antoine Mathieu (Dieu en personne, Julius Corentin Acquefacques,
3 secondes, Sens) invite à suivre la crise existentielle d’Otto, un artiste pourtant arrivé au sommet de son art.

C’est la mort de ses parents qui va précipiter le questionnement existentiel d’Otto. Il reçoit en effet une malle en héritage, contenant l’intégralité des faits et gestes des sept premières années de son existence. Il décide alors de s’isoler du monde et de revivre les sept premières années de sa vie en temps réel. Lui qui n’avait que très peu de souvenirs de son enfance, découvre progressivement que tout ce qu’il est devenu était déjà pré-écrit dès son plus jeune âge. En ayant subitement accès à l’intégralité de son tissu originel, il réalise qu’aucune de ces actions et de ses choix artistiques ne relève du « libre arbitre »… que tout n’est qu’illusion et que son œuvre n’est finalement qu’une énorme imposture!

Adepte de sujets conceptuels, Marc-Antoine Mathieu propose une introspection philosophique qui invite le lecteur à se poser des questions existentielles et à s’interroger sur sa propre identité. Si l’approche est une nouvelle fois brillante, j’ai trouvé le manque d’empathie envers le personnage principal un peu dommage. Le lecteur a en effet beau revivre son enfance en sa compagnie, c’est surtout la démarche intellectuelle et l’observation purement factuelle qui intéresse l’auteur. Ce sentiment de distance envers ce personnage que l’on n’apprend jamais à véritablement connaître se retrouve encore renforcé par une narration en voix-off.

Visuellement, le talent narratif de cet auteur qui recherche constamment les limites de l’art séquentiel n’a plus besoin d’être démontré. Usant d’un trait précis et minimaliste, il propose un dessin noir et blanc d’une sobriété renforcée par l’absence de phylactères et merveilleusement mis en valeur par ce format à l’italienne très élégant. Comme d’habitude, l’auteur tente de repousser les limites du neuvième art en jouant avec les cadrages, avec les concepts et avec la géométrie des formes. Ici, ce sont les reflets et les jeux de miroir qui jouent un rôle prépondérant. Ces miroirs sont comme des fenêtres qui permettent au personnage central de s’observer tout en se redécouvrant au fil des pages.

Zerocalcare – Kobane calling

Posted in BANDES DESSINÉES, Cambourakis, Franco-Belge, Guerre, One-shots, [Avancé], [DL 2016] with tags , on 28 octobre 2016 by Yvan

Les coulisses du conflit syrien !

Zerocalcare - Kobane callingCe roman graphique qui a connu un énorme succès en Italie, avec plus de 400 000 exemplaires vendus, est dorénavant également édité en version française grâce aux éditions Cambourakis. Le dessinateur et blogueur italien Zerocalcare (Michele Rech de son vrai nom) y relate ses voyages aux confins de la Syrie, de l’Irak et de la Turquie, jusque dans ville de Kobané, symbole de la résistance des Kurdes face à Daech.

« Tu entends Ratatata, c’est Daech. Tu entends Toum toum toum, c’est nous.
– Et Sboum ?
– Sboum, ça dépend. Feu et Sboum, c’est les Américains, Sboum tout seul, c’est Daech. »

À partir de ses voyages dans l’une des régions les plus dangereuses de la planète, il livre un témoignage visant à clarifier les enjeux majeurs d’un conflit souvent trop simplifié par nos médias. À l’instar d’un Joe Sacco, il se place à hauteur d’homme, observe le quotidien des gens qui (sur)vivent au centre du conflit et partage les témoignages qu’il recueille sur place. Sur base de rencontres avec des femmes combattantes (dont la commandante Nasrine, leader des unités de protection de Rojava), avec des partisans du PKK (dont Hevàl Cuma, confondateur du PKK) et avec des victimes de la guerre, il propose un carnet de voyage sur un sujet d’actualité fort et partage la réalité de cette terrible guerre civile. De la résistance des Kurdes de Syrie à l’avancée de Daech, en passant par le rôle parfois discutable de la Turquie, il s’efforce de retranscrire toute la complexité et les enjeux majeurs du conflit.

Zerocalcare ne se cantonne cependant pas dans un rôle de reporter de guerre, mais partage également ses émotions et ses états d’âme, souvent à l’aide d’un personnage imaginaire qui incarne ses peurs et ses angoisses. En multipliant les références à Ken le Survivant, à Resident Evil ou même aux équipes de foot de la Série A, il insuffle également beaucoup d’humour et d’autodérision à l’ensemble. Il a cependant parfois tendance à en faire de trop, diluant ainsi la force de son message. Diminuer le nombre de parenthèses inutiles aurait certainement contribué à prendre son témoignage plus au sérieux. Visuellement, le style caricatural du dessin accentue d’ailleurs encore un peu plus le côté humoristique et désinvolte de l’ouvrage, faisant ainsi un peu trop d’ombre à un fond foncièrement sérieux et à la gravité du propos.

Lecture indispensable !

Catherine Meurisse – La légèreté

Posted in BANDES DESSINÉES, Dargaud, Franco-Belge, One-shots, [Avancé], [DL 2016] with tags on 13 mai 2016 by Yvan

La lente reconstruction d’une autre victime de Charlie Hebdo !

Catherine Meurisse - La légèretéÀ l’instar de Luz, Catherine Meurisse arrivera en retard à la réunion de rédaction du 7 janvier 2015, échappant ainsi de justesse au massacre perpétré par les frères Kouachi au nom d’Allah. Tout comme son collègue, qu’elle croise d’ailleurs en arrivant sur place et qui l’informe de la prise d’otages, la dessinatrice de presse chez Charlie Hebdo raconte comment elle tente d’oublier cette tragédie et de se reconstruire.

Tout comme dans le « Catharsis » de Luz, le lecteur découvre quelqu’un de brisé, qui ne parvient plus à dessiner et qui entame une longue convalescence. Anesthésiée émotionnellement, Catherine Meurisse revient sur le jour même du drame, sur l’impression de noyade qui suit, sur sa rechute après les attentats du 13 novembre à Paris et sur cette protection rapprochée qui l’étouffe. Si j’ai trouvé cette partie intéressante, voire même bouleversante par moments, j’ai moins accroché à la partie où elle nous relate sa lente guérison à travers la recherche de la beauté. Espérant ressentir le syndrome de Stendhal, elle voyage vers des lieux, tels que la Villa Médicis à Rome, où elle peu côtoyer la beauté et reprendre goût à la vie. N’ayant pas les mêmes sensibilités et le même rapport à l’art et à la beauté que l’auteure, j’ai décroché à partir de là. Par contre, au niveau du graphisme, j’ai accroché du début à la fin.

Frederik Peeters et Loo Hui Phang – L’Odeur des garçons affamés

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Franco-Belge, One-shots, [Avancé], [DL 2016] with tags , on 22 avril 2016 by Yvan

Un étrange mélange qui fait mouche !

Frederik Peeters et Loo Hui Phang - L'Odeur des garçons affamésDès la couverture, ce one-shot imaginé par Loo Hui Phang et mis en images par Frederik Peeters a des allures de western. Pourtant, derrière ce titre assez mystérieux, les auteurs ont décidé de sortir des sentiers battus et d’utiliser le genre comme prétexte afin d’aborder des thèmes beaucoup plus profonds…

Le récit se déroule après la guerre de sécession, alors que l’Ouest américain n’est encore qu’un territoire sauvage, à explorer et à coloniser par l’homme blanc. Le lecteur est invité à suivre l’une de ces campagnes d’exploration à la découverte des grands espaces sauvages. La petite expédition sensée cartographier, photographier et recenser ces nouveaux territoires est composée de Monsieur Stingley, un géologue aux origines irlandaises et aux sombres plans, d’Oscar Forrest, un photographe homosexuel accusé d’escroquerie, et du jeune Milton, chargé d’assurer l’intendance.

Tandis que le trio est surveillé de près par les Comanches et qu’un chasseur de primes assez insolite rode dans les parages, des liens étranges s’installent entre Oscar et Milton. En utilisant cette aventure au milieu d’un paysage aride pour s’attaquer à la psychologie des personnages, Loo Hui Phang dévoile progressivement les secrets et la véritable nature des protagonistes. Si l’homosexualité est abordée avec subtilité, le génocide futur des Indiens est également au programme, le tout dans une tonalité de plus en plus fantastique.

Si ce mélange d’aventure, d’amour et de chamanisme sur fond de western fonctionne à merveille, le travail de Frederik Peeters au niveau du graphisme n’y est certainement pas étranger. Que ce soit au niveau des rêves bizarres d’Oscar ou des chapitres qui débutent par une case à l’envers afin de nous plonger dans l’univers de la photographie, Peeters insuffle une ambiance particulière à cette aventure qui nous emmène aux confins du réel.

« L’Ouest sauvage
Une mission à la dérive
Un type qui rôde
Des Indiens tout-puissants
Un mystère
Et le désir, immense, insolent ».

Un coup de cœur que vous pouvez retrouver dans mon Top BD de l’année!

Ils en parlent également: Mo’, Noukette