Archive for the [Sélectif] Category

Killoffer – Tel qu’en lui-même enfin

Posted in BANDES DESSINÉES, Franco-Belge, L'Association, One-shots, [Angoulême 2016], [DL 2015], [Sélectif] with tags , , on 15 février 2016 by Yvan

Une autobiographie autodestructrice !

Killoffer - Tel qu'en lui-même enfinLe titre de cet ouvrage annonce immédiatement la couleur et ceux qui connaissent un peu l’artiste ne s’étonneront probablement pas d’être invité à entrer dans sa peau.

Chaque planche de ce recueil, qui reprend les pages parues dans la revue mensuelle le Tigre entre 2010 et 2015, débute d’ailleurs par les mots « Killoffer en… », permettant notamment de découvrir l’artiste en Killoffer, mais surtout en enfer. Le garçon n’est en effet pas tendre avec lui-même et au bout de 108 pages d’autocritique et d’autoflagellation bien appuyée, il ne reste plus grand-chose de l’illustrateur adulé. Chaque saynète est servie sous la forme d’un gaufrier à huit cases, accompagné d’une illustration en page de gauche qui fait admirablement écho à la planche de droite.

Le gros problème, lorsqu’on s’enfile toutes ces histoires courtes qui contribuent à dresser le portrait peu reluisant de l’auteur, d’un seul coup, c’est que l’écœurement et la saturation finissent par être au rendez-vous. De plus, l’empathie éventuelle envers le personnage principal disparaît inévitablement au fil du récit. C’est même plutôt l’envie de sortir de la peau de cet homme dépressif et porté sur une boisson qu’il n’a pas forcément bonne qui augmente au fil des pages. C’est un peu dommage car ce trip narcissique est illustré avec une virtuosité incroyable et une maîtrise du noir et blanc assez impressionnante.

Arrivé à la fin de l’album, le graphisme donne donc forcément envie d’encenser l’artiste, mais le contenu autodestructeur me donne plutôt envie de lui mettre deux paires de tartes…

Ludovic Debeurme – Un Père Vertueux

Posted in BANDES DESSINÉES, Cornélius, Diptyques, Ludovic Debeurme, [Angoulême 2016], [DL 2015], [Sélectif] with tags , on 9 décembre 2015 by Yvan

La genèse des trois fils !

Ludovic Debeurme - Un Père VertueuxEn 2013, Ludovic Debeurme proposait un ouvrage intitulé « Trois fils », qui devait devenir le premier volet d’une trilogie narrant l’histoire de trois fils qui cherchent à se débarrasser de leur père. Puis, en 2015, surprise, car les Editions Cornélius publient un album deux fois plus épais, qui ne propose pas seulement la suite du récit, mais également le début et la fin. Si je n’étais à la base pas très fan de ce découpage en plusieurs tomes, qui forçait le lecteur à abandonner les trois adolescents en plein milieu de leur quête vengeresse sans en connaître toutes les raisons, l’auteur réussit néanmoins un beau tour de force en livrant un deuxième volet qui comble non seulement tous les vides du premier tome, mais qui peut en plus se lire indépendamment.

Servi sous forme de long flashback, « Un Père Vertueux » revient sur le passé des trois garçons avant qu’ils ne décident d’abandonner leur père sur une île déserte et permet donc de découvrir ce qui les poussent à vouloir se libérer à tout prix de leur géniteur. Ludovic Debeurme dresse d’une part le portrait d’un père autoritaire qui n’hésite pas à mutiler ses enfants pour les garder dans le droit chemin et qui trouve finalement son salut dans la religion après avoir survécu en effectuant d’étranges livraisons pour le compte de mystérieux hommes en noir. Mais il brosse surtout le portrait de trois adolescents en pleine quête identitaire, qui doivent non seulement s’intégrer dans un pays qui n’est pas le leur, malgré leur différence, mais qui connaissent également leurs premiers émois sexuels. Cette deuxième partie de diptyque permet également au lecteur de découvrir l’origine de l’aspect hybride de ces personnages dont les noms font références à des personnalités appréciées par Ludovic Debeurme. Le nom de Bird, le fils aux yeux noirs d’un oiseau, vient bien sûr du saxophoniste Charlie Parker. Celui de Twombly, le garçon aux longs bâtons de bois en guise de bras, fait référence au peintre-sculpteur américain Cy Twombly, tandis que le nom de Horn, le troisième luron qui dissimule son visage recouvert de poils sous une capuche rouge, vient de l’artiste Rebecca Horn.

Ce conte cruel qui évoque le destin de migrants fait non seulement écho à notre actualité, mais aborde également de nombreux thèmes intéressants, tels que le fanatisme religieux, l’identité, la sexualité et l’adolescence. Si l’auteur continue de réduire le texte au minimum et ne s’embarrasse toujours pas de cases afin de laisser libre cours à ses personnages et à son dessin, il ne réalise cependant plus ses planches à la gouache comme lors du tome précédent, mais opte pour des crayons de couleurs qui évoquent inévitablement le monde de l’enfance. Debeurme parvient comme d’habitude à installer une ambiance étrangement onirique dont il a le secret et qui s’avère idéale pour aborder les tourments psychologiques des différents personnages. Du grand art !

N’hésitez pas à lire du Debeurme (Le Grand Autre, Lucille et Renée) et retrouvez cet album dans mon Top BD de l’année.

 

Joe Casey et Piotr Kowalski – Sexe, L’été du hard

Posted in BANDES DESSINÉES, Comics, Delcourt, Séries, [Avec super-héros], [DL 2014], [En cours], [Sélectif] with tags , on 13 août 2014 by Yvan

Une série plus psychologique qu’érotique !

Joe Casey et Piotr Kowalski - Sexe, L'été du hardDerrière ce titre explicite et plutôt racoleur se cache une série intelligente et finalement beaucoup plus psychologique qu’érotique.

Joe Casey (« Butcher Baker ») invite à y suivre les pas de Simon Cooke, un ancien justicier masqué connu sous le nom du « Saint en Armure », qui tourne le dos à ses exploits héroïques pour vivre une existence normale. Si l’auteur développe en parallèle des intrigues qui s’intéressent aux anciens ennemis qui font main basse sur cette ville qui a perdu son ange gardien, ainsi qu’à ce side-kick qui choisit de poursuivre le combat contre le crime, l’intérêt principal de cette saga demeure la psychologie de ce personnage qui se cherche.

Le retour à la vie civile s’avère en effet bien plus compliqué que prévu. Pas intéressé dans la gestion de son entreprise et ne trouvant pas vraiment l’intérêt de vivre cette seconde vie qui lui servait jusque-là uniquement de façade, Simon tente de donner un sens à cette nouvelle vie. Comment combler le vide de sa véritable identité, dont une vie sentimentale et sexuelle totalement inexistante ?

Que ce soit à travers cette étrange société secrète, destinée à combler les perversions sexuelles d’une jet set dont il fait partie, ou par le biais de la relation complexe qu’il entretient avec Annabelle Lagravenese, une adversaire qu’il connaissait autrefois sous le nom de Shadow Lynx et qui s’est reconvertie en maîtresse des lieux d’un bordel de luxe, le sexe est bel est bien présent au sein de cet ouvrage, mais il sert surtout à souligner l’incapacité du héros à jouir de sa nouvelle existence.

Si la présence de plusieurs scènes asses explicites réservent cet ouvrage aux adultes, les planches de Piotr Kowalski ne s’attardent pas inutilement sur la chose. Evoluant sur un rythme lent, mais efficace, le récit est par contre accompagné d’une colorisation qui peu surprendre. Les couleurs flashy de Brad Simpson contribuent néanmoins à baigner l’ensemble dans une ambiance psychédélique, qui contraste brillamment avec la noirceur des bas-fonds de Saturn City.

Excellent !

Retrouvez d’ailleurs cet album dans mon Top du mois, ainsi que dans mon Top de l’année !

Pascal Rabaté – Fenêtres sur rue

Posted in BANDES DESSINÉES, BD du mercredi, Franco-Belge, Noctambule, One-shots, Pascal Rabaté, Soleil, [DL 2013], [Sélectif] with tags on 9 avril 2014 by Yvan

Un exercice de style signé Rabaté !

Pascal Rabaté - Fenêtres sur rueEtant grand fan de Pascal Rabaté depuis la lecture d’Ibicus, je me devais de jeter un œil sur cet étrange objet sans véritable tranche, venu inaugurer les récits Yin et Yang de la collection Noctambule des éditions Soleil.

Ce livre-accordéon qui peut se lire dans un sens comme dans l’autre narre une histoire muette qui débute d’un côté et se termine de l’autre, le recto complétant le verso et vice-versa. Comme au théâtre, l’auteur propose un décor immuable composé d’une rue où s’élèvent quatre façades d’immeubles. Le lecteur s’installe en face et suit le quotidien qui se déroule sous ses yeux. Le recto (les matinées) développe les histoires de jour, tandis que le verso (les soirées) nous montre cette rue une fois le soleil couché. Ensemble, ces vingt panneaux dépliables qui se suivent permettent d’épier les voisins d’en face à travers les fenêtres de leurs appartements, ainsi que les passants et les clients du bistrot et de la laverie automatique. De l’amour, de l’art, de l’amitié, une dispute, un meurtre, un peu de télé et une bonne dose d’ennui… et tant d’autres instantanés qui finissent par raconter une histoire… celle que le spectateur décide de se construire en remplissant lui-même les blancs.

Inspiré par « Fenêtre sur cour » d’Alfred Hitchcock, cet exercice de style totalement muet permet également à l’auteur de rendre hommage au cinéma en multipliant les références cinématographiques, notamment aux films d’Hitchcock et de Tati. Si le jeu de pistes proposé par Rabaté est séduisant, voire même intelligent, j’ai tout de même eu du mal à entrer dans l’histoire. L’absence de fil rouge excepté la présence d’ouvriers dont l’évolution des travaux sert de repère temporel est assez perturbant au départ. Il faut du temps avant d’assimiler cette logique qui consiste à alterner le recto et le verso et ce n’est pas la répétition de ce même décor de fond qui incite alors le lecteur à ne pas décrocher.

Un livre-objet particulièrement original, qu’il faut lire et relire afin de ne rien rater des nombreuses tranches de vie qui se déroulent sous nos yeux.

Jens Harder – Beta … Civilisations

Posted in BANDES DESSINÉES, BD du mercredi, Editions de l'An 2, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, Trilogies, [Angoulême 2015], [DL 2014], [Sélectif] with tags , on 26 février 2014 by Yvan

Après le Big Bang, place aux civilisations…

Jens Harder - Beta … Civilisations« Beta … Civilisations » est le deuxième volet du projet titanesque du dessinateur allemand Jens Harder (« Leviathan », « La Cité de Dieu ») : Une trilogie qui s’attaque à la création de l’univers (« Alpha… directions »), à l’apparition de l’homme (« Beta … Civilisations ») et au futur du genre humain (« Gamma … Visions »).

Le premier volet, paru il y a cinq ans et primé au festival d’Angoulême, était un véritable chef-d’œuvre. L’auteur y narrait l’histoire de la création de la Terre et de ceux qui la peuplent, tout en proposant un condensé des connaissances actuelles dans tous les domaines du savoir (géologie, biologie, astrophysique, anthropologie, …). Parmi les différentes théories existantes, il faisait des choix et traçait avec brio le chemin de l’univers et de l’humanité.

Si Alpha partait du Big Bang initial pour aller jusqu’à l’apparition des différentes formes de vie, en passant la formation des galaxies, des étoiles, du soleil et des planètes, Beta suit le voyage de l’homme. Alors que le volume précédent résumait quatorze milliards d’années en plus ou moins 2000 vignettes (une image par sept millions d’années), la richesse de cette nouvelle période oblige l’auteur à ralentir le rythme à plus ou moins une image tous les deux mille ans et même à scinder cette seconde période en deux tomes. Cette première partie, qui raconte les premiers pas de l’homme, s’arrête donc à la naissance du Christ. La suite, prévue pour 2020 au plus tard, se concentrera sur l’histoire des deux derniers millénaires.

Au fil des pages de ce tome qui voit l’homme descendre de son arbre pour partir à la conquête de nouveaux territoires, le lecteur assiste à l’avènement de l’homme et à la création de différentes civilisations. De la maîtrise du feu à l’invention de la roue, en passant par l’apparition du langage, de l’écriture et de l’art, Jens Harder s’attarde sur les faits les plus marquants de l’évolution humaine. La technique narrative, consistant à proposer un kaléidoscope d’images empruntées aux sources les plus diverses (films, peintures, gravures, bandes dessinées, photographies, culture populaire, etc), voyage beaucoup plus dans le temps que lors du premier volume. Ce jeu des références qui consiste à faire des bonds dans le temps afin de montrer le potentiel de certaines inventions, tout en soulignant les dérives de l’humanité (par exemple de la maîtrise du feu à la bombe atomique), finit cependant par être trop répétitif, devient même un peu lassant à la longue et nuit finalement à la linéarité du récit. Ces ricochets visuels qui consistent à associer des images plus contemporaines aux événements décrits sont certes d’une richesse incroyable, mais deviennent pénible à la longue et font perdre le fil rouge du récit.

Cette juxtaposition d’images est à nouveau accompagnée d’une voix-off particulièrement discrète et d’une mise en couleur bichromique différente par chapitre, qui contribue à séparer les différentes périodes clés de l’histoire de l’humanité. Je suis cependant plus dubitatif vis-à-vis de l’utilisation des teintes métalliques et je regrette que la fin des phrases (qui se terminent dans la reliure) ne soit pas toujours lisible en début d’ouvrage.

Lisez « Alpha… directions » !

Retrouvez cet album dans mon Top de l’année !

bd du mercredi Allez découvrir les autres BDs du mercredi sur le blog de Mango !

Blutch – Lune l’envers

Posted in BANDES DESSINÉES, Dargaud, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, One-shots, [Angoulême 2015], [DL 2014], [Sélectif] with tags , on 28 janvier 2014 by Yvan

Un nouvel ovni signé Blutch !

Blutch - Lune l'enversPour ce nouveau voyage au sein de l’étrange, Blutch (La volupté) invite à suivre les pas de la jeune Libling au début de sa carrière professionnelle et de Lantz, un talentueux dessinateur. Pour son premier boulot, la première doit glisser ses mains dans une drôle de machine, Eurifice, sans même savoir ce qu’elle fabrique. Au même moment, le second se fait taper sur les doigts par sa hiérarchie car le nouvel album de sa série phare, le « Nouveau Nouveau Testament », n’avance pas d’un iota. Après sa première journée de travail, Liebling rentre retrouver Lantz, son petit ami qui espère prochainement devenir le dessinateur officiel du « Nouveau Nouveau Testament ».

Si la gestion de la temporalité du récit surprend d’entrée, le temps qui passe constitue l’un des principaux sujets de cet album qui s’amuse à dénoncer notre société de consommation, ainsi que le monde de l’édition. Blutch plonge en effet le lecteur dans un futur où les gens ne savent plus à quoi ils travaillent et ont donc perdu tout lien avec le produit de leur labeur. Cette critique acerbe du monde du travail s’attaque en particulier aux éditeurs qui exploitent leurs auteurs à succès et regardent d’un mauvais œil ceux préfèrent travailler à l’ancienne.

L’atmosphère très seventies des planches dessinées par Blutch et colorisées par Isabelle Merlet contribue à accentuer l’aspect décalé du scénario.

Une histoire onirique et déstabilisante, qui invite à réfléchir sur la vie, le travail, l’amour et le temps qui passe…

Ludovic Debeurme – Trois fils

Posted in BANDES DESSINÉES, Cornélius, Ludovic Debeurme, Trilogies, [DL 2013], [Sélectif] with tags on 14 novembre 2013 by Yvan

Pourquoi vouloir tuer le père ?

Ludovic Debeurme - Trois filsGrand habitué des Editions Cornélius, Ludovic Debeurme récidive cette fois avec une histoire en trois tomes. Ce récit aux allures de conte narre la rancune de trois fils qui cherchent à se débarrasser de leur père. Pour arriver à leur fin, les trois adolescents aux airs étranges (Bird, aux yeux noirs, Twombly, aux longs bâtons de bois lui servant de bras et Horn, au visage recouvert de poils) enchaînent leur père sur une île déserte.

Au fil des pages, le lecteur va découvrir ce qui les poussent à vouloir se libérer à tout prix de leur géniteur. Pour l’occasion, Ludovic Debeurme délaisse son trait noir et blanc épuré pour baigner ce récit délicieusement sombre dans une avalanche de couleurs chatoyantes. Délaissant sa technique habituelle au profit de planches réalisées à la gouache et réduisant comme d’habitude le texte au minimum, Debeurme parvient de nouveau à installer une ambiance étrangement onirique dont il a le secret. Si le plaisir de perdre ses repères est à nouveau au rendez-vous, le rêve est malheureusement interrompu par ce découpage en trois tomes finalement assez regrettable. L’abandon abrupte de ce voyage plein de promesses vengeresses résulte donc en beaucoup de frustration… sans parler de ce supplément de seize pages que j’ai loupé étant donné qu’il est uniquement réservé aux lecteurs achetant l’ouvrage dans une librairie membre du réseau Canal BD.

À défaut de pouvoir apprécier l’ensemble de la nouvelle œuvre de cet auteur dont je suis grand fan, je me contenterai donc de cette première tranche servie sous cellophane, qui met en appétit, mais ne coupe absolument pas la faim.