Archive for the Ecritures Category

Zeina Abirached – Le Piano oriental

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Ecritures, Franco-Belge, One-shots, [Angoulême 2016], [Avancé], [DL 2015] with tags , , on 13 janvier 2016 by Yvan

Le pont entre l’orient et l’occident !

Zeina Abirached - Le Piano orientalDans ce récit autobiographique mélodieux, Zeina Abirached raconte sa destinée entre Paris et Beyrouth et celle de son arrière-grand-père, l’inventeur du piano oriental.

Les pas rythmés d’Adballah Kamanja emmènent tout d’abord le lecteur dans le Beyrouth des années 60. Après des années de recherche et d’essais, le mélomane trouve enfin l’astuce permettant à son piano de produire le fameux quart de ton, indispensable pour pouvoir y jouer de la musique orientale. En parallèle, en 2004, le lecteur suit l’histoire d’une jeune femme qui quitte son Liban natal pour Paris, emportant avec elle seulement 23kg de son ancienne vie…

Très loin du Beyrouth déchiré par la guerre, Zeina Abirached propose un récit miroir qui se déroule en partie avant et en partie après la guerre du Liban. Au fil des pages et des allers-retours à travers les époques, le lecteur découvre le lien qui unit ces deux vies. Il y a bien entendu le lien familial qui lie l’auteure à son arrière-grand-père, mais il y a surtout cette envie de créer un pont entre deux cultures. Lui, dans sa quête de vouloir accorder deux musiques différentes au sein d’un même instrument, et elle, à travers la relation qu’elle entretient avec ses deux langues maternelles, le français et l’arabe. Ce bilinguisme prolongé au niveau d’un instrument de musique (qui a visiblement raté son rendez-vous avec l’Histoire) lie ainsi avec brio l’orient et l’occident, au sein d’un récit qui allie musicalité et sensibilité.

Cette ode à la musique se retrouve également au niveau de planches rythmées par le scrouitch-scrouitch des chaussures italiennes d’Adballah ou par le toc-toc de son couvre-chef traditionnel. Si l’auteure franco-libanaise joue avec les sonorités, elle utilise également avec maestria toutes sortes de formes géométriques et de motifs au sein d’un dessin noir et blanc qui s’installe très vite au diapason de cette belle partition.

Un piano oriental qui sonne particulièrement juste !

Céline Fraipont et Pierre Bailly – Le Muret

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Ecritures, Franco-Belge, One-shots, [Accessible], [DL 2013] with tags , on 27 janvier 2014 by Yvan

Quand l’éducation laisse à désirer…

Céline Fraipont et Pierre Bailly - Le MuretJ’étais déjà grand fan du « Petit Poilu » de Céline Fraipont et Pierre Bailly avant de franchir ce « Muret » proposé par la collection Ecritures de Casterman. Les auteurs, qui avaient démontrés leur capacité à s’adresser avec intelligence aux plus petits, s’attaquent ici à l’univers des adolescents.

Au fil des pages ils brossent le portrait bouleversant de Rosie, une jeune fille de treize ans, livrée à elle-même depuis que sa mère s’est tirée avec un parfait inconnu et que son père fuit ses responsabilités en se réfugiant dans son travail. L’adolescente apprend à se débrouiller toute seule, mais a de plus en plus de mal à combler le vide et la solitude. En essayant de se construire sans véritables repères, elle finit malheureusement par s’égarer. De l’alcool qui réchauffe son âme tout en lui permettant d’oublier le reste à ce garçon plus âgé qui semble également égaré sur le même chemin de la solitude, Rosie part lentement à la dérive.

La narration de ce parcours solitaire parsemé d’incertitudes est d’une justesse incroyable. Ceux qui ont lu « Petit Poilu » savent que Céline Fraipont et Pierre Bailly n’ont pas besoin de texte pour faire passer un message et des émotions. Les séquences muettes qu’ils distillent avec intelligence tout au long de cet album font une nouvelle fois mouche. Ces petits moments de silence que le lecteur partage avec l’héroïne parviennent à saisir l’essentiel de ses pensées. Cette capacité à ne pas vouloir s’encombrer de détails inutiles se retrouve également au niveau de ce dessin noir et blanc qui plonge constamment cette histoire touchante dans l’ambiance adéquate.

Mon premier coup de cœur de l’année !

Hubert – Les gens normaux

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Ecritures, Franco-Belge, One-shots, [Avancé], [DL 2013] with tags on 4 janvier 2014 by Yvan

Tous égaux !

Hubert - Les gens normauxL’idée de cet ouvrage collectif édité par Casterman dans sa collection Écritures émane de l’association BD BOUM, organisatrice du festival de Blois. « Les Gens Normaux » regroupe dix témoignages poignants recueillis par le scénariste Hubert et raconte l’histoire d’un combat : celui de l’égalité des droits pour ceux dont la sexualité semble encore déranger pas mal de monde.

Ce documentaire est donc basé sur les témoignages de gens normaux issus de la population LGBT (lesbiennes – gay – bi – trans) de l’agglomération tourangelle. L’ouvrage est préfacé par Robert Badinter et les mini-récits sont complétés par des textes écrits par des historiens, sociologues, universitaires et autres personnes s’étant penchés sur la question (Eric Fassi, Maxime Foerster, Florence Tamagne, Louis-Georges Tin, Michelle Perrot).

Le résultat permet de livrer un aperçu assez complet de tous les aspects liés à la réalité des homosexuels. De l’histoire d’un couple de lesbiennes à celle d’un musulman gay opposé au mariage pour tous, en passant le récit poignant d’un africain ayant fui son pays pour échapper à l’homophobie extrême, la diversité des témoignages est frappante. Si le fléau du sida et le Pacs sont évidemment au programme, cet album aborde de manière assez exhaustive toutes les facettes de la vie des homosexuels. Des doutes et questionnements à l’acceptation, en passant par l’annonce aux proches, la discrimination au travail, l’homoparentalité, la maladie, le mariage, la religion ou tout simplement l’amour… les thèmes abordés sont aussi divers qu’instructifs.

Si l’ensemble est servi en noir et blanc, la mise en images est cependant l’œuvre de plusieurs auteurs (Cyril Pedrosa, Virginie Augustin, Zanzim, Alexis Dormal, Jeromeuh, Simon Hureau, Merwan, Freddy Nadolny Poustochkine, Freddy Martin, Natacha Sicaud et Audrey Spiry). Les styles sont donc très variés et même si l’intérêt principal de cet album se situe ailleurs, la plupart des dessins sont plutôt agréables à regarder.

Si l’homosexualité est malheureusement encore considérée comme un crime dans plusieurs pays, la France a également encore beaucoup de chemin à parcourir afin de pouvoir tenir la promesse d’égalité de sa devise.

« La normalité, ça n’existe pas. Ne vous sentez pas obligé de vous conformer à la norme des autres, puisque les gens normaux, ça n’existe pas. »

Ils en parlent également : Jérôme, Zaelle

Fred Bernard – La patience du tigre

Posted in BANDES DESSINÉES, BD du mercredi, Casterman, Ecritures, Franco-Belge, One-shots, [Accessible], [DL 2012] with tags , on 7 novembre 2012 by Yvan

A la recherche de la plus grande richesse au monde!

Fred Bernard - La patience du tigre« La patience du tigre » est le troisième volet des aventures de Jeanne Picquigny. Après La tendresse des crocodiles (Seuil, en 2003), où la belle aventurière partait à la recherche de son père au coeur de l’Afrique, et « L’ivresse du poulpe » (Seuil, en 2004), où elle partait à la recherche de son compagnon, Eugène Love Peacock, c’est un vieux meuble ramené de ce dernier périple à Cuba qui l’emmène sur la route des Indes.

Si l’attente depuis la dernière aventure de Jeanne fut longue, la publication de « Lily Love Peacock » (Casterman, en 2006), narrant la vie quotidienne de la petite-fille d’Eugène Love Peacock, aura contribué à faire patienter des lecteurs, qui se réjouiront d’ailleurs au passage de la réédition des deux premiers tomes de la saga en un seul volume chez Casterman.

C’est donc un « stippo », sorte d’antiquité aux multiples tiroirs secrets, qui sert de prétexte à ce nouveau voyage qui démarre en Angleterre pour finalement emmener les protagonistes sur les sommets de l’Himalaya au bout d’un périple de plus de 500 pages. Du Yorkshire, à la rencontre du père bibliophile d’Eugène, au fin fond de l’Inde, en passant par le site de Stonehenge ou la ville portuaire de Whitby, rendue célèbre par Bram Stoker, ce nouveau voyage proposé par Fred Bernard est à nouveau rempli de richesses.

Lors de cette chasse au trésor ultime, l’auteur démontre une nouvelle fois sa capacité à brosser des protagonistes d’une grande justesse, en seulement quelques cases. Le lecteur retrouve donc des personnages romanesques, mais surtout des femmes extrêmement sensuelles. Après Louise O’Murphy et Victoire Goldfrapp, lors des deux tomes précédent, c’est Pamela Baladine Riverside qui démontre que, huit ans plus tard, Fred Bernard comprend toujours aussi bien les femmes. Les autres personnages, hauts en couleurs, tels que le père Peacock, Timoty Python ou le Maharajah, ne sont évidemment pas en reste.

Outre des personnages singuliers et dotés d’une incroyable richesse, l’auteur propose des dialogues parfaitement ciselés, mêlant humour, poésie, sagesse et passion. Partageant les émotions et les sentiments de ses protagonistes avec brio, l’auteur invite surtout à partir à la découverte de contrées lointaines aux richesses abondantes. Tout au long de l’album, l’auteur prend le temps d’imprégner le lecteur de l’ambiance des Indes des années 20. Ce voyage dépaysant, mêlant aventure, psychologie, rêve et poésie, qui invite surtout à partir à la découverte de soi et des autres est, à ce titre, à classer auprès des meilleures aventures de Corto Maltèse.

Visuellement, le trait volontairement brouillon de Fred Bernard croque à nouveau les personnages et l’environnement avec une efficacité aussi redoutable qu’étonnante.

Retrouvez ce splendide voyage dans mon Top de l’année.

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Mark Long, Jim Demonakos & Nate Powell – Le silence de nos amis

Posted in BANDES DESSINÉES, BD du mercredi, Casterman, Ecritures, One-shots, [Accessible], [DL 2012] with tags , on 14 mars 2012 by Yvan

« Au bout du compte, nous ne nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis. »

Mark Long, Jim Demonakos & Nate Powell - Le silence de nos amis« Le Silence de nos amis » est une histoire semi-autobiographique basée sur l’enfance de Mark Long et sur les événements vécus par son père. Mark Long et Jim Demonakos relatent l’histoire d’une ville de Houston divisée en deux parties par un racisme aussi stupide que violent. L’action se situe en 1968, lors d’une période sombre de l’Histoire des Etats-Unis où la lutte pour les droits civiques et contre la ségrégation fait rage…juste avant l’assassinat de Martin Luther King.

L’histoire, qui met en scène deux familles, l’une blanche, l’autre noire, propose deux perspectives différentes des tensions qui régnaient à l’époque dans l’état américain du Texas. Le lecteur suit donc d’une part une famille blanche issue d’un quartier raciste et de l’autre une famille noire issue d’un des quartiers pauvres de Houston. Si les deux tentent de se rapprocher en passant outre les préjugés et cette ignorance qui nourrit la peur de l’autre, ils ne peuvent cependant pas échapper à ce climat hostile qui condamne tout mélange de couleurs.

Usant d’un ton juste, les deux auteurs proposent un récit engagé qui restitue parfaitement l’atmosphère tendue de l’époque. Ils proposent également une histoire d’amitié entre deux pères de famille, mais se contentent du strict minimum au niveau du développement psychologique des deux personnages clés afin de se concentrer principalement sur l’ambiance qui accompagnait cette ségrégation raciale. L’empathie n’est donc pas totale, mais la prise de conscience et le ressenti des tensions le sont bel et bien.

Visuellement, le graphisme de Nate Powell m’avait déjà fort séduit lors de la lecture de Swallow me whole et son dessin en noir et blanc fait à nouveau mouche dans cet album. En utilisant à merveille les non-dits, il parvient à saisir les émotions des différents personnages et à distiller une ambiance pesante qui se place au diapason de cette histoire.

Un très bon one-shot !

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Jirô Taniguchi – Furari

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Ecritures, Jirô Taniguchi, Manga / Manhwa, One-shots, [DL 2012] with tags on 10 mars 2012 by Yvan

Balade dans l’Edo du début du XIXème siècle !

Jirô Taniguchi - FurariEn invitant le lecteur à suivre les balades « au gré du vent » (c’est ce que signifie Furari) d’un quinquagénaire, cet album s’inscrit dans la lignée de « L’homme qui marche » ou « Le promeneur ».

Divisant son récit en quinze chapitres, Jirô Taniguchi propose autant de balades indépendantes les unes des autres. C’est Tanakata Inô, célèbre géomètre et cartographe de l’époque, qui sert de modèle au personnage principal de ce one-shot qui invite à découvrir l’Edo du début du XIXème siècle au fil des différentes promenades. Comptant chacun de ses pas, le géomètre se lance dans des marches sans but précis, partageant ses observations, ses rencontres, ses petits plaisirs et sa fantaisie.

Jirô Taniguchi est probablement le maître du contemplatif, mais j’ai beau admirer sa capacité à rendre n’importe quel sujet attrayant, j’ai trouvé ce tome un peu trop contemplatif à mon goût. C’est peut-être l’absence de sujet qui m’a dérangé, car on a beau être un maître pour rendre n’importe quel sujet intéressant, quand il n’y a pas de sujet, cela devient quand même assez difficile d’intéresser le lecteur, même pour Jirô Taniguchi. On peu effectivement se demander quel est le but d’un album sans histoire, d’un homme qui marche sans but en flânant au gré du hasard et des ‘évènements’. Un tome où une libellule qui passe dans une case équivaut à de l’action par rapport au reste du récit. Et pourtant, ce tome de Jirô Taniguchi n’est pas tout à fait sans but, car il nous fait faire quelque chose d’impensable dans ce monde où le temps est de l’argent : il nous fait prendre le temps. Prendre le temps de regarder autour de nous et de nous émerveiller de ces petites choses insignifiantes qui nous entourent.

Visuellement, le dessin tout en finesse et emplie de poésie de Jirô Taniguchi sied évidemment parfaitement au ton du récit. Ce graphisme fourmillant de détails propose notamment quelques vues splendides d’Edo, ainsi que des passages fantasmés à travers le regard d’animaux (libellule, chat, éléphant, tortue, milan, …), qui procurent tout de même une certaine originalité au récit.

Rien de tel qu’une bonne balade en compagnie de Jirô Taniguchi !

Nate Powell – Swallow me Whole

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Comics, DIVERS, Ecritures, K.BD, One-shots, [DL 2010], [Sans super-héros] with tags on 15 décembre 2011 by Yvan

L’univers onirique de deux ados à problèmes !

Nate Powell - Swallow me Whole« Swallow me whole » est un roman graphique qui aborde l’adolescence tourmentée d’un frère et d’une sœur.

Ruth et Perry sont très proches l’un de l’autre et trouvent chacun refuge dans un univers très personnel. Vivant leur adolescence avec beaucoup de difficulté, le garçon trouve son salut dans le dessin et se met à dessiner de façon compulsive sous les ordres d’un petit sorcier imaginaire, tandis que la fille collectionne les insectes morts, dont elle range les bocaux avec minutie. En balançant constamment le lecteur entre le réel et l’imaginaire, Nate Powell parvient à aborder les angoisses et les troubles qui accompagnent parfois cette période difficile de la vie.

Le graphisme noir et blanc de l’auteur se place d’ailleurs au diapason de cette adolescence fragile et tourmentée. Multipliant les délires visuels, le lecteur a parfois du mal à ne pas se perdre dans les méandres de ces passages oniriques qui accompagnent les troubles des deux adolescents et de la fille en particulier. Il faudra donc plusieurs pages pour s’habituer au dessin de Nate Powell, mais la scène muette finale est particulièrement réussie, même si elle abandonne le lecteur avec de multiples questions.

Si ce récit difficile d’accès a été couronné aux Eisner Awards en 2009, j’ai eu cependant beaucoup de mal à m’identifier à ces ados qui éprouvent tant de problèmes à passer à l’âge adulte.

Nate Powell - Swallow me WholeIls en parlent également : David, Lunch, Choco, Mango, Mo’, Mr. Zombi, Oliv’

Lisez également l’avis de David sur K.BD !