Archive for the Franck Bouysse Category

Collectif – Respirer le noir

Posted in Barbara Abel, Franck Bouysse, Littérature, R.J. Ellory with tags on 27 août 2022 by Yvan

Une collection qui sent bon les nouvelles !

Collectif - Respirer le noirVoici déjà le quatrième tome de cette collection délicieusement noire, développée autour de nos cinq sens et cette fois dédié à celui de l’odorat. Après « Ecouter le noir », « Regarder le noir » et « Toucher le noir », Yvan Fauth du blog littéraire EmOtionS nous invite donc à « Respirer le noir » en compagnie d’auteurs de renom, le temps de douze nouvelles qui devraient pouvoir réconcilier les plus sceptiques avec le genre.

  1. R. J. Ellory – le parfum du laurier-rose

Qui de mieux que le maître du noir et grand fidèle de cette collection pour ouvrir ce bal olfactif ? R.J. Ellory invite à suivre les pas d’Anderson, un ancien policier qui sort de prison après une très longue détention pour un crime dont les souvenirs et les odeurs le poursuivent. Une histoire enveloppée d’un parfum de vengeance où l’odeur du sang se mélange régulièrement à celle du laurier-rose. Un récit parfaitement maîtrisé mêlant justice et crime !

  1. Sophie Loubière – Respirer la mort

Déjà présente dans « Ecouter le noir », Sophie Loubière raconte les déboires de Willy, qui a développé un odorat hors norme suite à un accident de jeunesse. Un très bon récit qui débute la tête enfoncée dans une bouse de vache et qui développe des capacités olfactives pour le moins surprenantes au fil des pages…

  1. Franck Bouysse – Je suis un poisson

Nouveau venu au sein de cette collection, Franck Bouysse se base sur une pathologie certes rare, mais bel et bien réelle pour nous conter le calvaire d’un homme atteint du Fish-Odor Syndrom. Malgré une chute assez prévisible, j’ai particulièrement apprécié la superbe plume de cet auteur qui invite à partager la solitude de cet individu souffrant d’un manque d’amour, incapable de nouer des relations sociales à cause de l’odeur nauséabonde qu’il dégage…

  1. Mo Malø – Cristal qui sent

C’est sans grande surprise que Mo Malø décide de nous emmener au Groenland, région qu’il affectionne particulièrement au cœur de ses romans, pour une expédition visant à retrouver le carnet d’expédition d’un climatologue disparu depuis 90 ans. Un décor qui a le mérite de rafraîchir un peu le lecteur en cette période de canicule et un périple enneigé qui va révéler l’existence d’un cristal diffusant une odeur qui rend vite accro. Un bon récit dont la thématique se rapproche peut-être très/trop fort de la nouvelle de Sophie Loubière…

  1. Dominique Maisons – Deux heures et trente minutes

Cet auteur que je découvre à l’occasion de cette nouvelle nous emmène dans les coulisses de l’Elysée, où la découverte d’un corps va mettre les sens de la sécurité nationale en alerte. Une enquête certes classique, mais parfaitement maîtrisée et un auteur dont je note le nom.

  1. François-Xavier Dillard – Happy World

Ah, la voilà, la nouvelle qui va vous faire tourner les pages un peu plus vite et augmenter votre rythme cardiaque. « Happy World » est un parc d’attraction où une famille de quatre s’apprête à passer une journée de rêve…sauf qu’un étrange commando s’apprête à y perpétrer un attentat terroriste. Le bon père de famille que je suis a retenu son souffle en suivant les efforts de ce papa essayant de sauver sa famille… Une montagne russe d’émotions ! Bravo François-Xavier Dillard (« Prendre un enfant par la main ») !

  1. Adeline Dieudonné – Glandy

L’autrice de l’excellent « La Vraie Vie » partage toute la misère d’Alexandre Glandy, un homme amoureux qui noie sa misère dans l’alcool. Si cette nouvelle parvient à restituer les odeurs fétides liées à la condition de cette homme désagréable buvant le peu d’argent que sa femme tente de mettre de côté, je n’ai malheureusement pas accroché à cette histoire. Probablement que l’incapacité de pouvoir m’attacher à un tel personnage n’y est pas étranger…

  1. Hervé Commère – le monde d’après

Hervé Commère dresse le portrait d’une petite bourgade sur le déclin depuis que l’unique entreprise du coin a été contrainte de fermer ses portes. Si L’auteur de « Sauf » décrit avec grand brio l’amertume et les difficultés des habitants de ce bled croulant sous le chômage, le lien olfactif de cette nouvelle m’a par contre semblé bien léger. Bien aimé !

  1. Vincent Hauuy – Miracle

Vincent Hauuy (lisez le « Le tricycle rouge » !) propose une nouvelle plus futuriste qui invite à plonger dans le cerveau d’un meurtrier comateux afin d’élucider un meurtre. Un récit d’anticipation qui invite le lecteur à découvrir la mémoire des odeurs afin de résoudre une enquête. Pas mal.

  1. Jérôme Loubry – Les doux parfums du cimetière

Cette nouvelle de Jérôme Loubry (lisez « Les refuges » !) se déroule dans un cimetière en compagnie d’un gamin venant régulièrement se recueillir sur la tombe de sa mère. Si l’environnement sied donc parfaitement à l’ambiance noire de cette collection, le récit s’avère cependant le plus lumineux de tous. Outre ce petit garçon particulièrement attachant qui associe les autres visiteurs endeuillés à une odeur spécifique, j’ai beaucoup apprécié l’humanité qui accompagne ce petit conte tendre et poétique.

  1. Chrystel Duchamp – L’amour à mort

En trois chapitres très courts, l’autrice de « Le sang des Belasko » et « Délivre-nous du mal » invite à suivre les déboires d’un homme victime d’une rupture amoureuse, qui passera du paradis à l’enfer via un passage par le purgatoire, poursuivi par l’odeur d’un bien étrange hôpital. Surprenant !

  1. Barbara Abel & Karine Giebel – Petit nouveau

S’il y a un duo que l’on prend grand plaisir à retrouver au sein de cette collection qui m’aura incité à lire des nouvelles, c’est bien celui-ci ! Un récit à quatre mains inspiré d’un fait réel, qui réunit une nouvelle fois deux reines du polar, l’une française, l’autre bruxelloise. La cerise sur le gâteau, la touche finale de noirceur qui vous invite à refermer cet ouvrage la peur au ventre, presque avec l’envie de remettre cet horrible masque et à vous désinfecter les mains toutes les deux minutes, juste au cas où quelque chose de pire que le COVID viendrait menacer notre société… Brillant !

Ancré dans les problématiques de notre société actuelle grâce à plusieurs nouvelles très proches de la réalité, « Respirer le noir » propose des nouvelles certes inégales, ce qui est inhérent au genre, mais dans lesquelles je vous invite néanmoins à plonger le nez, surtout dans celles de François-Xavier Dillard et de Barbara Abel et Karine Giebel. Personnellement, je me prépare à goûter à nouveau du noir avec le cinquième et dernier volet de cette collection.

Et si vous n’avez pas encore eu votre dose de nouvelles, je vous invite vivement à lire « Chambres noires » de Karine Giebel… du très haut de gamme !

Respirer le noir, Collectif, Belfond, 297 p., 21€

Elles/ils en parlent également : Anthony, Nath, Aude, Sonia, Julie, Joëlle, Suzie, Rose, Sylvie, Aurore, Livresse du noir, L’œil noir, Delcyfaro

Franck Bouysse – Né d’aucune femme

Posted in Franck Bouysse, Littérature with tags on 21 août 2019 by Yvan

S’accrocher aux mots !

Franck Bouysse - Né d’aucune femmeAyant adoré « Glaise » de Franck Bouysse, je n’ai pas pu résister bien longtemps à l’envie de lire son dernier roman, surtout que la couverture se veut également particulièrement séduisante.

Le récit débute par les paroles d’une femme, recueillies dans l’intimité du confessionnal du père Gabriel. Elle lui demande de récupérer des cahiers dissimulés sous la robe d’une défunte, dont il doit aller bénir le corps. La lecture de ces cahiers, qui contiennent les confessions de Rose, va bouleverser sa vie…

« Né d’aucune femme » raconte donc l’histoire de Rose, depuis son enfance et ce fameux jour où son père la vendue pour quelques pièces à un forgeron, jusqu’à ses derniers jours. En donnant en alternance la parole au père Gabriel, à Rose, à ses parents et au palefrenier du forgeron, ce récit choral dresse progressivement le portrait bouleversant d’une femme abimée par la vie, mais qui parvient à s’évader de l’enfer grâce aux mots. Des mots que l’auteur utilise avec grand brio, narrant l’intolérable avec force, beauté et finesse…

« Les mots, ils me font me sentir autrement, même enfermée dans cette chambre. Ils représentent la seule liberté à laquelle j’ai droit, une liberté qu’on ne peut pas me retirer, puisque personne à part Génie, sait qu’ils existent. »

« Né d’aucune femme » est une histoire sombre, mais profondément humaine, racontée de manière lumineuse !

Né d’aucune femme, Franck Bouysse, La manufacture des Livres, p., 20,90 €

Ils en parlent également (la liste de ceux qui n’en parlent pas est probablement plus courte 🙂 ): Anthony, Moka, Maeve, MaudDomi, Mélie, Juju, Gwen, CocoMes échappées livresques, EmOtionS, Au fil des livres, Actu du noir, Livresse du noirMumu dans le bocage, Lectures de rêve, Livres d’un jour, A l’horizon des mots, Entre deux livresSerial Readeuz, La livrophageUranie, Krolfranca, Les cibles d’une lectrice à visée, Emma’s books, Au fil de l’histoire, Lire & vous, Les yeux dans les livresMes pages versicolores, 22h05 rue des Dames, Black novel, Cercle littéraire de Dordogne, Moonpalaace, Girl kissed by fire, Mrs Pepys, Bib’Bazar, Des pages et des lettres, Boutabou, Eugénie, Liseuse hyperfertile, Ma passion les livres, Dealer de lignes, Les libraires masqués du grenier, Coquecigrues et ima-nu-ages

Franck Bouysse – Glaise

Posted in Franck Bouysse, Guerre, Littérature with tags , , on 11 février 2018 by Yvan

Quand la guerre prive la campagne de ses hommes valides…

Franck Bouysse - GlaiseCe roman de Franck Bouysse débute au mois d’août 1914, au moment où le père de Joseph, 15 ans, doit quitter les siens pour aller combattre l’ennemi dans la boue des tranchées. L’adolescent, entouré de sa mère et de sa grand-mère, devient subitement l’homme de la famille. Si le vieux voisin d’à côté n’hésite pas à lui donner un coup de main pour faire tourner la ferme, il doit cependant se méfier de l’autre voisin, un pervers alcoolique et violent à la main atrophiée, dont le fils est également parti rejoindre le front…

L’auteur effectue le choix judicieux de ne pas suivre ceux qui partent à la guerre, mais de raconter le quotidien des femmes, enfants, vieillards et infirmes qui restent. En installant son récit à Chantegril, au pied du Puy-Violent, une montagne du Cantal située dans l’arrière-pays rural, il demeure bien loin des affrontements et de cette guerre qui vide progressivement les campagnes de ses hommes valides. Si les nouvelles du front se limitent souvent à quelques lettres, voire des avis de décès, l’inquiétude, l’attente et l’absence plus longue que prévue, commencent à peser sur ces paysans qui se tuent à la tâche à défaut de le faire au front…

À travers le quotidien de ces familles amputées de leurs bras les plus solides, Franck Bouysse dépeint avec grand talent une palette de sentiments humains, allant du premier amour à ceux beaucoup plus nauséabonds. En plongeant le lecteur dans un monde de corvées, d’amertume et de non-dits, mais également d’entraide et d’amitié, il livre un roman certes sombre, mais éclairé de sa plume emplie de poésie. Si je suis plutôt du genre à me nourrir de l’intrigue, ici, la dégustation des phrases alignées avec brio par Franck Bouysse aura suffi à me rassasier. La lenteur du récit s’accompagne ainsi du bonheur d’avoir le temps de peser chaque mot et de s’en imprégner afin de prolonger le plaisir…

Une fois le livre refermé, il ne reste plus qu’à enlever la glaise qui colle encore à nos chaussures, tout en continuant à distinguer ces personnages rugueux et taiseux qui errent encore dans la brume de notre esprit.

Beaucoup aimé !