Archive for the [Angoulême 2011] Category

Nicolas Presl – Le Fils de l’ours père

Posted in BANDES DESSINÉES, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, One-shots, The Hoochie Coochie, [Angoulême 2011], [Avancé], [DL 2010] with tags , on 23 juin 2015 by Yvan

Une œuvre muette sur la filiation et la différence !

Nicolas Presl - Le Fils de l'ours pèreJe ne connaissais pas l’œuvre de Nicolas Presl, qui a pourtant déjà publié trois albums chez Atrabile (Priape, Divine Colonie, Fabrica), mais cela faisait un petit temps que ce « Fils de l’ours père », sélectionné au Festival d’Angoulême 2011, me faisait de l’œil. Cet ouvrage, antérieur à la trilogie parue chez Atrabile, s’avère de plus être la première œuvre de l’auteur… force est donc de constater que pour ses débuts, l’auteur fait très fort !

Ce one-shot entièrement muet raconte l’histoire d’un ourson recueilli par le chasseur qui a tué sa mère. Sans prononcer une seule parole, ce conte visuel à portée universelle réussit l’exploit de raconter énormément de choses. L’histoire de ce personnage qui part à la recherche de ses racines et de sa place au sein de la société aborde de nombreux thèmes, dont la filiation, la paternité et le rejet de la différence, tout en proposant une réflexion particulièrement poussée sur l’identité.

Visuellement, il faut cependant s’accrocher car le style tordu de Nicolas Presl ne plaira pas à tout le monde. Ses personnages difformes et le non respect des perspectives ont en effet de quoi déboussoler. Pourtant, au fil des pages, non seulement on s’y habitue, mais on est également surpris par la quantité d’émotions que ce dessin atypique parvient à exprimer. Les images se mettent à parler et à partager des sentiments profonds avec une justesse incroyable. Au bout de plus de 200 pages, on a presque du mal à croire que l’auteur a réussi à exprimer tant de choses sans dire un seul mot. Alors oui, je ne trouve pas ça forcément beau, mais je m’incline tout de même devant la force narrative du graphisme proposé par Nicolas Presl.

Pour une première œuvre, chapeau !

Brecht Evens – Les Noceurs

Posted in Actes Sud, BANDES DESSINÉES, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, One-shots, [Angoulême 2011], [Avancé], [DL 2010] with tags , on 26 novembre 2011 by Yvan

Entrez dans la danse !

Brecht Evens - Les NoceursPour une fois qu’une bande dessinée louangée de tous sort dans la langue que je maîtrise le plus, je me devais donc de lire ce récit du néerlandais Brecht Evens, intitulé « Ergens waar je niet wil zijn » (« Les Noceurs » en français).

Les trois parties de cet album s’articulent autour de Robbie, véritable icône de la nuit, qui illumine chaque soirée de sa présence. Le lecteur, lui, sera surtout illuminé par le graphisme particulièrement original de cette œuvre. Dépourvu de cases et de bulles, le graphisme fourmille de détails et mélange les couleurs de manière aussi éblouissante que surprenante. Un dessin fait de couleurs directes et d’aquarelles qui plonge le lecteur dans une atmosphère nocturne envoûtante, à la rencontre de personnages très humains, dont le virevoltant Robbie et son opposé grisâtre Gert, qui semble inodore, incolore et presque transparent au milieu de cette profusion de couleurs.

Visuellement, ce graphisme novateur peut rebuter et faire croire à une œuvre extrêmement complexe et difficilement abordable. Rien n’est pourtant moins vrai car ce récit s’avère finalement très facile à lire et invite le lecteur à plonger dans l’univers de la fête, la où Robbie s’est forgé une solide réputation. Mais ce côté festif n’est finalement qu’un leurre, qui permet à l’auteur de dresser un portrait peu réjouissant d’une génération de trentenaires désabusés. De l’attente absurde de Robbie à la solitude de personnages qui se noient dans la foule d’une boîte de nuit, le bonheur semble aussi éphémère qu’artificiel et la boisson finalement incapable de combler tous les vides et l’ennui de cette immersion éthylique.

Si le graphisme a tout pour séduire, ce n’est pas forcément le cas de ces tranches de vie assez banales, rythmées par des discussions futiles qui accentuent certes le vide existentiel des protagonistes, mais ont eu plus de mal à m’emballer.

Quoi qu’il en soit, le « prix de l’audace » qu’a reçu cet album au dernier Festival d’Angoulême est entièrement mérité sur base de cette approche graphique novatrice et envoûtante.

Arthur De Pins – La marche du crabe

Posted in BANDES DESSINÉES, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, Noctambule, Soleil, Trilogies, [Accessible], [Angoulême 2011], [DL 2010] with tags , , on 21 juin 2011 by Yvan

Abandonnez votre vie monotone !

Arthur De Pins - La marche du crabe« La marche du crabe » est avant tout un court métrage d’animation récompensé par de nombreux prix, dont le prix du public du festival d’Annecy. Arthur De Pins a ensuite décidé d’adapter son œuvre en long métrage et d’en faire une bande dessinée en trois tomes, dont ce « La condition des crabes » constitue le premier volet.

La vedette de ce récit est le Cancer Simplicimus Vulgaris, plus communément appelé crabe carré. La grande particularité de cette espèce est son incapacité à tourner, l’obligeant à mener une existence unidirectionnelle le long d’un axe immuable déterminé dès la naissance. L’auteur reprend donc le point de départ du court-métrage et ajoute quelques histoires parallèles à cette vie en apparence monotone des crabes des plages de la Gironde, comme celle de ces deux journalistes animaliers qui veulent faire un reportage sur les capacités d’évolution de ces étranges crustacés.

Le lecteur s’intéresse très vite à cette histoire riche en rebondissements, qui prend une trajectoire assez loufoque malgré des existences en lignes droites. Les péripéties de ces crustacés qui cherchent à échapper à une destinée toute tracée sont racontées avec beaucoup de décalage et un humour caustique qui fait mouche. Mais au-delà de l’originalité et du ton amusant, le lecteur ne manquera pas de s’attacher à ces créatures aussi vulnérables qu’attendrissantes et de découvrir une certaine profondeur dans les propos d’Arthur De Pins. À l’approche de ce virage existentiel dans la (sur)vie de l’espèce, l’auteur ne manque pas de philosophie et semble vouloir dénoncer, sous forme de métaphore, nos existences routinières et monotone. Cette prise de conscience de la part des crabes se transforme alors très vite en invitation à réfléchir à notre condition humaine et à changer de direction avant qu’il ne soit trop tard.

Par rapport au film d’animation, Arthur De Pins propose ici un graphisme en couleurs. Si le trait va toujours à l’essentiel, la colorisation ajoute un certain charme à l’ensemble.

Tout comme la collection Noctambule, ce premier tome s’avère être une bien belle réussite et c’est donc avec grande impatience que j’attends les deux tomes suivants (« L’empire des crabes » et « La révolution des crabes »).

Et comme cet album était dans la sélection officielle du Festival d’Angoulême 2011, vous pouvez le retrouver dans mon Best of du Festival d’Angoulême.

Jetez également un oeil au court métrage et au teaser du film d’Arthur de Pins ci-dessous.

 

James Sturm – Le Jour du Marché

Posted in BANDES DESSINÉES, Comics, Delcourt, Festival BD Angoulême, One-shots, [Angoulême 2011], [DL 2010], [Sans super-héros] with tags , on 31 mai 2011 by Yvan

Un one-shot sobre, intelligent, mais pas prenant !

James Sturm - Le Jour du MarchéEn invitant à suivre les pas d’un tisseur de tapis issu d’une communauté juive de l’Europe de l’Est au début du XXe siècle qui se rend en ville afin d’y vendre ses dernières réalisations, l’Américain James Sturm se penche intelligemment sur les méfaits de notre société de consommation.

Au fil des pages, le pauvre Mendleman va en effet découvrir que les mœurs sont en train de changer. La qualité du travail et le savoir-faire de l’artisan ne sont plus appréciés comme il se doit dans cette société à présent gouvernée par le prix et par les profits. Cette évolution du contexte socio-économique chamboule totalement la vie de ce tisseur fier de son art et habitué à livrer de la qualité à un prix honnête. Si les illusions de l’artiste s’envolent au fil des pages, l’homme est également en proie au doute, angoissé par sa future paternité et par cette nouvelle responsabilité qui vient peser sur ses épaules. Tiraillé par ses propres angoisses et abandonné par un monde qui ne sait plus apprécier son talent d’artiste, le pauvre Mendleman se laisse aller dans des pensées sombres qu’il partage par le biais d’une voix-off pessimiste et résignée. La colorisation terne et la sobriété du découpage accentuent encore un peu plus la rudesse de l’époque et la lenteur de ce récit contemplatif.

Si les nombreux niveaux de lecture démontrent toute l’intelligence de ce one-shot qui aborde une époque révolue tout en traitant un thème d’actualité, le rythme trop lent et l’intérêt limité envers la vie de ce tisseur juif m’ont empêché de pleinement apprécier la richesse indéniable de cette œuvre. Dommage !

Retrouvez cet album parmi les titres sélectionnés au Festival d’Angoulême 2011 !

Dave Sim – High Society, une aventure de Cerebus

Posted in BANDES DESSINÉES, Comics, Séries, Vertige Graphic, [Angoulême 2011], [DL 2010], [En cours], [Sans super-héros] with tags , on 20 avril 2011 by Yvan

Bienvenue dans la haute société !

Dave Sim - High Society, une aventure de CerebusCerebus est un comics hors-norme qui compte 16 volumes avoisinant chacun les 500 pages, soit un total de 300 chapitres (plus de 6000 pages) créés entre 1977 et 2004. Auto-publiée depuis ses débuts (sous le label Aardvark-Vanaheim), cette série se limitait initialement à une parodie de Conan le barbare, mais au fil des épisodes les combats sont passés à l’arrière-plan pour laisser la place à des histoires beaucoup plus fouillées.

A l’origine, jugeant les premiers épisodes moins aboutis, Dave Sim, avait d’ailleurs commencé la publication de sa série par ce deuxième volume, intitulé High Society et reprenant les épisodes #26 à #50 de la saga. Pour entamer ce vaste projet éditorial, Vertige Graphic a également choisi de faire l’impasse sur le premier volume, tout en prenant soin de résumer brièvement les 25 premiers épisodes. Le lecteur peut ainsi prendre connaissance des événements passés et découvrir certains personnages importants avant d’entrer dans le vif du sujet et de ce qui peut être considéré comme le véritable début de la saga.

Le récit débute par l’arrivée de Cerebus dans la ville de Iest. Dès les premières pages, profitant de ses relations avec Lord Julius, l’oryctérope barbare va multiplier les tentatives pour faire fortune et pour se hisser au sommet de la haute société. Délaissant les combats pour un monde dit plus civilisé, notre héros atypique va s’ouvrir à un nouveau monde fait de politique, de lobbying et de dialogues futiles. Exquis !

S’il faut quelques chapitres avant de se sentir à l’aise dans l’univers imaginé par l’auteur canadien, le personnage principal devient vite très attachant. Doté d’un humour corrosif, d’un caractère de cochon et d’une bravoure sans égal, Cerebus est prêt à tout, même à perdre un bout de son identité, tant que la richesse et la reconnaissance sont au bout de l’effort. Les personnages secondaires (Elrod l’albinos, Lord Julius, les frères McGrew), emmenés par le désopilant Cafard de lune (super-héros schizophrène, sorte de pastiche de Moon Knight), ne sont d’ailleurs pas en reste et apportent beaucoup de saveur au récit.

Mais, le véritable attrait de cette saga est la narration aux petits oignons de Dave Sim. Les dialogues, pleins de sous-entendus, d’humour, de double-sens et de cynisme, sont d’une finesse rare et permettent à l’auteur de critiquer, avec une intelligence souvent déconcertante, la politique, la religion et le surendettement de cette société axée sur l’enrichissement personnel. Une inventivité qui se retrouve également au niveau du découpage et des changements de format. Si le trait fin et le graphisme noir et blanc collent parfaitement au récit, c’est surtout la couverture de Gerhard qui attire le regard. Notons au passage que cet architecte de métier participe activement à la confection des décors à partir de l’épisode #65 des aventures de l’oryctérope.

Un chef-d’œuvre venu d’Outre-Atlantique !

Retrouvez cet album dans MON TOP 2010 !

Retrouvez cet album parmi les titres sélectionnés au Festival d’Angoulême 2011 !

Bastien Vivès & Merwan Chabane – Pour l’Empire T2

Posted in BANDES DESSINÉES, Bastien Vivès, Dargaud, Franco-Belge, Poisson Pilote, Trilogies, [Angoulême 2011], [Avancé], [DL 2010] with tags , on 23 mars 2011 by Yvan

Dans les bras des Amazones !

Bastien Vivès & Merwan Chabane – Pour l’Empire T2La conquête du Nouveau Monde se poursuit de l’autre côté du fleuve pour l’escouade du Capitaine Glorim Cortis, cette troupe d’élite mandée par l’empereur pour aller découvrir de nouveaux territoires aux confins de l’Empire.

Cette escouade de soldats aguerris, qui bombait encore le torse en début de saga et dont les exploits symbolisaient l’invincibilité d’une armée ayant conquis toutes les terres connues, semble de plus en plus désemparée face à l’inconnu. Au fil d’une marche sans but palpable, loin du fracas des batailles, le manque d’adrénaline avait déjà sapé le moral des troupes lors du tome précédent, mais les légionnaires vont maintenant devoir faire face à un ennemi encore bien plus coriace que l’ennui !

Ce deuxième volet change en effet totalement de décor et abandonne les grands espaces arides peuplés d’ennemis inexistants pour une forêt moite et hostile. Éprouvés par la difficulté de ce terrain plongé dans la pénombre, ils vont également devoir faire face à un groupe de femmes guerrières, dont les charmes s’avèrent des plus déstabilisants. Affaiblis par cette longue marche, troublés par leurs pulsions animales et aveuglés par ce fruit interdit aux formes alléchantes, les hommes de l’Empire perdent tous leurs moyens et courent droit à leur perte.

Cette bande dessinée historique dépourvue de tout repère temporel ou spatial, continue donc de surprendre. Malgré le doute qui s’installe au sein de cette troupe d’élite, les personnages demeurent toujours aussi charismatiques et les rapports qu’ils développent avec ces mystérieuses Amazones sont très intéressants. Cette relation mêlant consternation, admiration et effroi passe habilement d’un rituel sexuel qui laissera de nombreux lecteurs rêveur, à une chasse à l’homme prenante au sein d’un environnement hostile, regorgeant de dangers. Étonnant et efficace !

Si ce péplum servi à quatre mains par Bastien Vivès (« Le goût du chlore« , « Elle(s) », « Hollywood Jan », « Dans mes yeux », « Polina« ) et Merwan Chabane (« L’or et le sang« ) fait mouche au niveau de l’histoire, c’est surtout l’approche graphique innovante qui émerveille le lecteur. La palette de couleurs très particulière de Sandra Desmazières s’adapte d’ailleurs magistralement au changement de décor, tout en conservant l’atmosphère envoûtante de cette odyssée éprouvante.

Une trilogie qui tient donc toutes ses promesses.

Retrouvez cette BD dans MON TOP 2010 !

Retrouvez cet album parmi les titres sélectionnés au Festival d’Angoulême 2011 !

Bastien Vivès – Pour l’Empire T1

Posted in BANDES DESSINÉES, Bastien Vivès, Dargaud, Franco-Belge, Poisson Pilote, Trilogies, [Angoulême 2011], [Avancé], [DL 2010] with tags , on 21 mars 2011 by Yvan

Un péplum à quatre mains !

Bastien Vivès – Pour l'Empire T1Bastien Vivès abandonne donc le label KSTR des éditions Casterman pour la collection Poisson Pilote de Dargaud, le temps d’un péplum pour le moins surprenant.

Le premier volet de cette trilogie invite en effet à suivre l’escouade du Capitaine Glorim Cortis, troupe d’élite de l’Empire. Si l’album débute par une scène de bataille digne du genre, qui permet de faire la connaissance de personnages aussi charismatiques que complémentaires et de découvrir toute la puissance de l’armée de l’Empire, la suite de l’album change de ton. Ces soldats d’exception vont en effet être mandés par l’empereur pour effectuer une mission spéciale : partir explorer les terres au-delà de la frontière de l’Empire. Loin du fracas des batailles, ce long périple au sein de contrées arides et face à des ennemis inexistants va confronter les soldats à un obstacle redoutable qui risque d’effriter leur sens du devoir et de l’honneur : l’ennui ! Au fil d’une marche sans but palpable, la motivation des troupes est mise à mal et lentement, le doute s’installe, voire même la peur de l’inconnu.

Malgré une référence évidente à l’Empire romain, le récit est dépourvu de tout repère temporel ou spatial. Outre cette absence de repères au sein d’un récit qu’on aurait tendance à classer dans le genre historique, c’est surtout l’approche graphique innovante qui surprend le lecteur. Bastien Vivès (« Le goût du chlore« , « Elle(s) », « Hollywood Jan », « Dans mes yeux », « Polina« ) et Merwan Chabane (« L’or et le sang« ) dessinent et écrivent non seulement ce récit à quatre mains, mais s’amusent également à bousculer les codes narratifs et graphiques classiques. Usant d’un trait épuré et sobre, rehaussé par une gamme de couleurs assez surprenante, ils accompagnent brillamment l’élite de cet Empire invincible. Cette approche permet de donner un aspect vieilli/antique aux planches et d’installer une ambiance pesante et envoûtante tout au long de ce périple éprouvant.

Une odyssée qui s’annonce très prometteuse !

Retrouvez cette BD dans MON TOP 2010 !