Archive pour Amérique latine

Gabriel Ba et Fabio Moon – Deux frères

Posted in BANDES DESSINÉES, Comics, One-shots, Urban Comics, Urban Graphic, [DL 2015], [Sans super-héros] with tags , on 2 mars 2016 by Yvan

Guerre fratricide et saga familiale !

Gabriel Ba et Fabio Moon - Deux frèresDepuis leur incontournable « Daytripper », Gabriel Ba et Fabio Moon se sont fait une belle petite place dans le monde du neuvième art. Après l’adaptation d’une nouvelle brésilienne de Machado de Assis avec « L’Aliéniste », les frères jumeaux revisitent un livre de Milton Hatoum intitulé « Dois Irmãos », datant de 2000.

« Deux frères » raconte l’histoire d’une famille libanaise dans le Brésil du XXième siècle. Le récit se concentre sur Yaqub et Omar, deux frères jumeaux aux caractères diamétralement opposés, qui se haïssent depuis la plus tendre enfance. C’est une séparation durant près de cinq années, à l’âge de treize ans, qui est à la base de cette animosité réciproque qu’ils se vouent. Yaqub fut en effet envoyé au Liban, sur ses terres d’origine, tandis qu’Omar put rester au Brésil, dorloté par une mère qui l’a toujours considéré comme son favori.

C’est Naël, le fils de la bonne de la famille, qui raconte l’histoire de cette famille de Manaus, de la rencontre des parents, Halim et Zana, jusqu’à la mort de cette dernière. Au fil des pages et des années, les nombreux personnages évoluent, tout comme cette tension latente entre les deux frères, qui pèse visiblement sur les autres membres de la famille et qui atteint son paroxysme en fin d’album. Cette saga familiale qui met en avant une guerre fratricide tragique ne manque pas de rebondissements et parle d’amour, de rivalités, de trahisons, de secrets, d’ambitions, d’immigration, d’abandon, de non-dits et de haine… bref, une œuvre riche en personnages et en émotions…

Puis, visuellement, le duo brésilien nous gratifie d’un dessin noir et blanc et d’un trait anguleux qui siéent parfaitement au récit et qui sont mis en valeur par le grand format de cet album.

Ils en parlent également : Mo’, Jérôme

Marcello Quintanilha – Tungstène

Posted in BANDES DESSINÉES, BD, Ca et Là, One-shots, [Angoulême 2016], [DL 2015], [Sans super-héros] with tags , , on 27 janvier 2016 by Yvan

Du bon polar brésilien !

Marcello Quintanilha - TungstèneCe one-shot du brésilien Marcello Quintanilha invite à suivre les destins croisés de quatre personnages : Monsieur Ney, un militaire à la retraite qui s’énerve facilement, Caju, un petit dealer baratineur, Richard, un flic qui n’hésite pas à foncer la tête la première lorsqu’un danger se présente, et Keira, la petite amie mécontente de ce dernier, qui la maltraite et la trompe.

L’action se déroule sur la plage de Salvador de Bahia, où tout semble initialement assez calme, jusqu’au BOUM provoqué par deux pêcheurs à la dynamite. Là, tout s’emballe très vite : le militaire s’énerve, le dealer panique, le flic fonce et sa copine broie du noir…

Comme la plupart des brésiliens, Marcello Quintanilha a le sens du rythme. Partant d’un fait divers banal, il livre un récit choral parfaitement huilé, où les trajectoires s’entremêlent avec minutie. Ce puzzle narratif est de surcroît entrecoupé de flash-backs qui permettent de donner de la profondeur aux personnages tout au long de cette intervention policière musclée. Sautant d’un personnage à l’autre avec grande dextérité, l’auteur façonne les différents caractères et dévoile progressivement les relations qui les unissent.

Graphiquement, tout n’est pas parfait, mais l’ensemble est très lisible et particulièrement dynamique, grâce à un découpage vif et à des scènes d’action percutantes.

Une excellente surprise !

Ils en parlent également : Mo’, OliV

Fabcaro – Carnet du Pérou, Sur la route de Cuzco

Posted in 6 Pieds Sous Terre, BANDES DESSINÉES, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, One-shots, [Angoulême 2014], [Avancé], [DL 2013] with tags , , on 20 novembre 2015 by Yvan

Bienvenue au Pérou… ou pas !

Fabcaro - Carnet du Pérou, Sur la route de GuzcoComme j’avais adoré le « Zaï zaï zaï zaï » de l’auteur, je me suis penché d’un peu plus près sur sa biographie et je suis tombé sur ce carnet de voyage, qui faisait d’ailleurs partie de la sélection du Festival d’Angoulême 2014. Après avoir pleuré de rire avec « Zaï zaï zaï zaï », je me suis dit que ça ne serait pas plus mal de tester cet auteur sur un autre terrain, que j’affectionne d’ailleurs beaucoup plus que le registre humour.

Ayant les ouvrages de Guy Delisle (Pyongyang, Chroniques de Jérusalem, Chroniques Birmanes) en tête et « Le Photographe » comme repère ultime, je m’attaque donc à ce voyage en Amérique du sud. De Lima à Cuzco, Fabcaro nous raconte son périple, relate les rencontres qu’il a faites et partage les coutumes de ce merveilleux pays… sauf, qu’après quelques pages, le lecteur remarque vite qu’il y a anguille sous roche. Fabcaro reprend certes tous les codes du genre, mais au fil des commentaires et des interventions diverses qui reviennent sur la création du carnet de voyage, le lecteur comprends vite que l’auteur n’a jamais mis les pieds au Pérou et que c’est plutôt Wikipedia au scénario. Cela commence par des péruviens qui ressemblent un peu trop à des mexicains (les remarques de sa fille m’ont bien fait rire), puis l’auteur s’empêtre totalement dans son mensonge. Ce périple imaginaire, qui passe constamment du carnet de voyage bidon à des scènes issu du quotidien de l’auteur, est donc foncièrement drôle et totalement décalé. Un beau pied de nez au genre !

Graphiquement, l’auteur adopte d’ailleurs un style plus réaliste et une bichromie bleu et noir, ce qui permet de rendre la supercherie visuellement très crédible (à part les sombreros mexicains bien entendu).

Très bon !

Ils en parlent également : David, Mo’, Lunch

Un carnet de voyage que je vous conseille: La Tentation

Matthieu Bonhomme – Esteban, Le sang et la glace (Tome 5)

Posted in BANDES DESSINÉES, Dupuis, Franco-Belge, Matthieu Bonhomme, Séries, [DL 2013], [En cours], [Grand public] with tags , , on 17 mars 2014 by Yvan

Fin d’un excellent premier cycle !

Matthieu Bonhomme - Esteban, Le sang et la glace (Tome 5)Après deux tomes édités chez Milan sous le label Treize étrange et un voyage rebaptisé “Esteban” à partir du troisième volet suite à l’arraisonnement du baleinier par Dupuis, Matthieu Bonhomme (Le Marquis d’Anaon, Omni-visibilis, « Messire Guillaume ») livre à présent la conclusion du premier cycle de cette aventure.

Entamée comme le récit initiatique d’un jeune orphelin qui rêvait de devenir harponneur, cette saga avait temporairement abandonné les mers houleuses pour rejoindre la terre ferme de Patagonie, où l’équipage du Léviathan se retrouvait prisonnier du bagne d’Ushuaia. Si Matthieu Bonhomme a su passer avec grande aisance du récit maritime à un huis-clos carcéral, l’évasion en fin de tome précédent invitait le lecteur à rejoindre l’océan.

Matthieu Bonhomme continue donc de nous raconter l’évasion d’Esteban et de ses compagnons voguant vers la liberté. Tout ne se déroule cependant pas comme prévu et, après avoir été prisonnier en Terre de Feu, l’équipage se retrouve sans carburant, pris au piège entre le général qui les poursuit et une tribu d’indiens qui n’apprécient pas trop les visages pâles. Multipliant les rebondissements et accentuant la tension au fil des pages, l’auteur livre un récit prenant, porté par des personnages extrêmement attachants.

Visuellement, je demeure fan du dessin de Matthieu Bonhomme. Passant d’un environnement carcéral à de grands espaces sauvages au bout du monde avec une aisance déconcertante, il continue de faire des merveilles avec ce trait simple et efficace qui donne vie à une extraordinaire aventure humaine. Et pour couronner le tout, il y a l’admirable colorisation de Delphine Chedru, qui parachève le tout et contribue à plonger cette histoire dans une ambiance qui s’installe au diapason du scénario.

Vivement le deuxième cycle !

Jean Dufaux et Philippe Xavier – Conquistador Tome II

Posted in BANDES DESSINÉES, Diptyques, Franco-Belge, Glénat, [DL 2012], [Grand public] with tags , on 22 janvier 2013 by Yvan

Sur la piste du fabuleux trésor des Aztèques.

Jean Dufaux et Philippe Xavier - Conquistador Tome IIAprès plusieurs tomes en plein Moyen-âge, les auteurs de « Croisade » nous emmènent au Mexique, en 1520, à l’époque des conquistadors.

Le premier volet proposé par Jean Dufaux invitait à suivre une chasse au trésor somme toute assez classique, mais pourvue d’une touche de fantastique dont il a le secret et d’un fond historique parvenant à crédibiliser et à lier l’ensemble. S’inspirant de l’invasion de l’empire de Moctezuma par l’armée d’Hernán Cortés, il proposait un récit mêlant aventure, mystère et exotisme, le tout reposant sur un sens de la narration parfaitement maîtrisé.

Si le sympathique auteur s’avère souvent brillant lors de la mise en place de ses récits, il a malheureusement parfois tendance à abuser du fantastique lors de ses conclusions. C’est à nouveau le cas lors de ce diptyque où, après une mise en bouche très prometteuse, cette suite m’a plutôt déçue au niveau du scénario. Il y a tout d’abord la part grandissante du fantastique avec l’éveil du monstre végétal Txlaka et les effets des racines sur Hernando Arroyo, mais surtout la présence d’une voix-off qui a tendance à venir plomber le récit à coups de longues explications. La prévisibilité des événements suite à l’annonce de la conclusion en début de saga n’arrange évidemment pas les choses.

Si le scénario de cette conclusion déçoit, les superbes dessins de Philippe Xavier constituent l’attrait principal de cette course poursuite en terre aztèque. Visuellement, Philippe Xavier plonge le lecteur au cœur de la civilisation Aztèque et installe une ambiance oppressante tout au long de ce diptyque. Il propose non seulement des planches de toute beauté, mais également des personnages hauts en couleurs et un découpage qui insuffle beaucoup de rythme au récit, le tout rehaussé par la colorisation experte de Jean-Jacques Chagnaud.

Nathalie Sergeef et Corentin Rouge – Juarez

Posted in BANDES DESSINÉES, Franco-Belge, Glénat, One-shots, [Accessible], [DL 2012] with tags , on 28 décembre 2012 by Yvan

Bienvenue à Ciudad Juarez !

Nathalie Sergeef et Corentin Rouge - JuarezLa ville frontière mexicaine de Juarez est réputée pour son taux de criminalité élevé. Totalement gangrénée par le narcotrafic, cette région dénombre plus de mille cinq cents mortes depuis 1993 et près de deux mille cinq cents disparues. Si la police, corrompue jusqu’à la moelle, ne lève pas le petit doigt, Nathalie Sergeef choisit de témoigner de l’horreur qui y règne à travers ce one-shot inspiré de cette actualité sordide.

Ce thriller romancé débute en compagnie de cinq nouveaux corps de femmes découverts dans le désert et d’un personnage, Gaël García Morales, qui débarque à Juárez dans l’espoir de retrouver sa sœur Gabriela. À travers cette enquête policière, l’auteure aborde la triste réalité de cette ville frontière terrorisée par les cartels de la drogue. Au fil des pages et de quelques flashbacks judicieusement distillés, l’intrigue se dévoile et emmène le lecteur vers une chute légèrement trop prévisible. Si ce mélange de fiction et de réalité fonctionne bien, j’ai surtout accroché à cette partie du récit qui cherche à pointer du doigt les méfaits des cartels et le sentiment d’impunité qui entoure cette avalanche de crimes.

Visuellement, Corentin Rouge livre de l’excellent boulot et contribue à installer une ambiance glauque et oppressante tout au long du récit.

Un très bon one-shot, à classer à côté du troisième volet 100% mexicain de la saga « Doggybags ».

Hector German Oesterheld et Francisco Solano Lopez – L’éternaute

Posted in BANDES DESSINÉES, Comics, Trilogies, Vertige Graphic, [Avancé], [DL 2008] with tags , , on 17 novembre 2012 by Yvan

Un ouvrage de SF culte !

Hector German Oesterheld et Francisco Solano Lopez - L'éternauteCette saga d’anticipation de près de 350 pages, réalisée entre 1957 et 1959 par les auteurs argentins Hector German Oesterheld et Francisco Solano Lopez, fut initialement publiée sous forme de feuilletons de seize pages dans la revue Hora Cero Semanal. Devenu un incontournable récit de science-fiction, la popularité de « El Eternauta » était déjà énorme à l’époque. Notons également qu’il existe une seconde version de cette œuvre, créée dix ans plus tard par le scénariste en compagnie de son ami Alberto Breccia. Mais, d’après les commentaires, cette réécriture, traduite en français par les Humanoïdes Associés, est bien inférieure à cette version originale, éditée en trois tomes par Vertige Graphic.

Le récit invite à suivre les aventures de personnages ordinaires qui sont confrontés à une situation extraordinaire, plongeant le lecteur dans un suspense qui tient en haleine de la première à la dernière page. Tout débute par un huis-clos prenant, où une famille, calfeutrée dans sa propre maison, tente de s’organiser pour survivre dans un environnement subitement devenu hostile. Une soudaine chute de neige phosphorescente mortelle a en effet transformé l’Argentine en paysage post-apocalyptique recouvert d’un épais tapis blanc. Dès les premières pages, le récit installe une atmosphère d’angoisse qui se nourrit de l’isolement et des peurs de personnages profondément humains, qui finissent par devoir prendre les armes contre l’envahisseur.

Publiée dans un pays secoué par de nombreuses répressions, cette bande dessinée a profondément marqué le public, devenant même une sorte de hymne à la résistance. L’ancrage de cet ouvrage dans des lieux familiers de Buenos Aires, renforce encore son réalisme, tout en faisant écho aux angoisses de la population de l’époque. L’engagement de ces hommes dans une lutte inégale face à l’oppresseur, leurs sentiments d’insécurité, leurs peurs et leurs espoirs font alors écho à la lutte du peuple contre la dictature argentine, expliquant au passage l’immense popularité de cette saga. La disparition en 1977 du scénariste, enlevé par ses forces armées et présumé mort en 1978, ne fera d’ailleurs qu’augmenter l’importance de cet ouvrage.

Si le contenu est intemporel, la forme date un peu plus. Datant d’une période où l’on prenait plus le temps de s’attarder sur les événements, cet album est donc plutôt lent et assez bavard. Comme elle était à l’origine diffusée sous forme de feuilleton, cette intégrale souffre également de quelques répétitions. D’un autre côté, cette progression des événements en temps réel a tendance à renforcer l’immersion du lecteur. Le dessin noir et blanc de Solano Lopez contribue également à installer une ambiance pesante, avec des planches superbes et des personnages aux visages expressifs et très détaillés.

Un récit culte qui a notamment été sélectionnée pour le Prix du patrimoine par le jury du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2010 !