Archive pour Coup de coeur

Cynthia Kafka – Je suis venue te dire

Posted in Littérature, Virginie Grimaldi with tags , on 8 mars 2023 by Yvan

Le dernier rendez-vous d’un père avec sa fille !

Cynthia Kafka - Je suis venue te direAyant repéré « Contre vents et secrets » de Cynthia Kafka dans un top de fin d’année, je me suis mis à la recherche de l’ouvrage mais comme j’avais uniquement noté le nom de l’auteure, je me suis finalement retrouvé avec celui-ci entre les mains. Une erreur donc…qui après lecture, ne s’en avère finalement pas du tout une !

Celle qui est venue dire dans le titre se nomme Rose, une jeune femme de vingt-huit ans qui en a gros sur la patate au moment où elle regagne sa ville natale après dix ans d’absence. Elle compte d’ailleurs bien saisir cette dernière opportunité qui s’offre à elle, d’enfin pouvoir dire ses quatre vérités à ce père démissionnaire, à qui elle avait tourné le dos, mais qui vient d’être admis en soins palliatifs…

En alternant passé et présent, Cynthia Kafka raconte d’une part le retour de Rose à Chantilly et ses derniers moments en compagnie de son père, tout en invitant d’autre part à découvrir le passé de cette héroïne qui a non seulement perdu sa mère à l’âge de quatre ans, mais qui s’est également progressivement éloignée de ce père qui a choisi de noyer son chagrin dans l’alcool, délaissant totalement sa fille.

« Je suis venue te dire » est donc le récit d’une relation, voire même d’une confrontation, entre un père et sa fille. À l’instar de Marie-Sabine Roger dans « Dernière visite à ma mère », Cynthia Kafka narre un ultime rendez-vous entre deux êtres qui souffrent d’un vide affectif rempli de non-dits. Une dernière occasion de libérer une parole enfouie depuis trop longtemps, une sorte d’exutoire qui permettra d’enfin tourner la page et de se reconstruire. Mais comment trouver les réponses tant désirées lorsque, arrivée au chevet de son père, elle constate que ce dernier est incapable de communiquer autrement que par quelques clignements d’yeux ?

« Je suis venue te dire » est donc l’histoire d’une reconstruction, celle de Rose, arrivée débordante de rancœur, espérant enfin trouver la paix intérieure qui lui permettra d’avancer. C’est également le récit d’un retour aux sources, qui renoue avec le passé et réveille des souvenirs enfouis, invitant souvent à les regarder sous un nouvel angle, avec le recul nécessaire.

« Je suis venue te dire » est également un récit d’amitiés, de personnages attachants qui se retrouvent après tant d’années et qui vont s’entraider et se rapprocher au fil des pages. Tout comme Rose, le lecteur finit par se sentir bien en compagnie de sa mamie, de sa tata et de cette amie d’enfance tellement solaire, dorénavant infirmière, qui illumine les soins palliatifs de sa bonne humeur.

Si vous aimez les romans “feel good” qui abordent des sujets aussi délicats que douloureux avec autant de légèreté que de justesse, tels que savent si bien le faire Virginie Grimaldi, Marie Pavlenko (« Je suis ton soleil », « Un si petit oiseau »)  ou Anna McPartlin (« Les derniers jours de Rabbit Hayes », « Du côté du bonheur »), n’hésitez pas et foncez !

Je suis venue te dire, Cynthia Kafka, L’Archipel, 304 p., 18€

Elles/ils en parlent également : Elodie, Anaïs, Ma voix au chapitre, Lettres et caractères

David Lelait-Helo – Poussière d’homme

Posted in Littérature with tags , on 4 mars 2023 by Yvan

Un cri d’amour éternel !

David Lelait-Helo - Poussière d’hommeC’est encore sous le charme de « Je suis la maman du bourreau » que je puise dans la biographie de cet auteur dont le style m’avait tant séduit et que j’apprends à mieux connaître à travers ce roman autobiographique on ne peut plus émouvant. Dans « Poussière d’homme », David Lelait relève en effet l’impossible défi de mettre des mots sur la douleur, l’absence et le manque engendrés par la perte de l’être aimé…   

Dans ce cri d’amour, l’auteur se souvient de leur rencontre, de leur vie à deux, de leurs dernières vacances en Grèce, mais également de cette terrible maladie qui a fauché l’homme de sa vie. Il nous raconte les derniers instants, la rencontre de cette belle-famille dont il avait été maintenu à l’écart et l’ultime voyage de cette urne refermant ce « nous » réduit en poussière…  

Un « nous » que l’auteur vient cependant prolonger à jamais à travers ce texte bouleversant, en y déposant des mots d’amour avec délicatesse, sensibilité, justesse et beaucoup de pudeur. Défiant cette mort qui a au moins le mérite de nous voir tous égaux, David Lelait fait perdurer un merveilleux cri d’amour… un amour qui se voulait masculin et discret, mais que l’on ressent universel et partagé de la plus belle des manières…

Poussière d’homme, David Lelait, Anne Carrière, 159 p., 15,30€

Elles/ils en parlent également : Little Pretty Books, Calypso, Mateiva

Freida McFadden – La femme de ménage

Posted in Littérature with tags , on 22 février 2023 by Yvan

Un thriller psychologique addictif !

Freida McFadden - La femme de ménageLa femme de ménage dont il est question dans le titre de ce thriller psychologique particulièrement addictif et machiavélique se nomme Millie. Obligée de vivre dans sa voiture suite à la perte de son travail et de son logement, Millie est de surcroît en liberté conditionnelle et donc obligée de retrouver un emploi au plus vite sous peine de retourner derrière les barreaux. Lorsqu’elle décroche un poste de gouvernante au sein une famille de riches new-yorkais, elle pense avoir décroché le gros lot…sauf qu’elle va très vite déchanter !

Le premier point fort de ce roman est sa construction qui débute par un prologue qui fait immédiatement comprendre qu’un drame terrible vient de se produire. Une fois hameçonné, le lecteur est ramené trois mois en arrière, au moment où Millie se fait embaucher comme femme de ménage. Puis, en changeant de narratrice en seconde partie de roman, Freida McFadden parvient à nous prendre complètement à contrepied, offrant un nouveau point de vue aussi surprenant qu’intéressant.

Outre cette construction parfaitement orchestrée, il faut également saluer l’ambiance oppressante qui s’installe dès les premières pages du récit. Du comportement étrange de la maîtresse de maison à ce petit logement sous les toits qui ne se ferme que de l’extérieur, le lecteur sent immédiatement que quelque chose ne tourne pas rond. Un sentiment de malaise qui s’accentue au fil des pages de ce huis-clos qui tient en haleine de la première à la dernière page.

Bref, un excellent thriller psychologique… qui se transformera même en coup de cœur si vous parvenez à passer outre ces quelques passages un peu trop capillo-tractés qui ont tendance à faire tanguer la crédibilité de l’ensemble.

La femme de ménage, Freida McFadden, City Edition, 304 p., 19,95€

Elles/ils en parlent également : Mélie, Hedwige, Audrey, Sandrine, Orlane, Lily, L’heure de lire, Bookinette

Emma Green – La vie en vrai

Posted in Littérature with tags , , on 15 février 2023 by Yvan

Non au harcèlement scolaire !

Emma Green - La vie en vraiCe roman du duo d’autrices Emma Green invite à suivre les déboires de Louve Larsson, une jeune parisienne dont la famille a déménagé aux Etats-Unis et qui débarque dans un lycée américain où elle n’est visiblement pas vraiment la bienvenue. Immédiatement persécutée par un groupe d’élèves surnommés les « Royals » et emmenés par un certain Lazare Nightingale, insultée sur les réseaux sociaux et malmenée dans l’établissement même, l’adolescente choisit finalement de mettre fin à ses jours en avalant des comprimés…

« La vie en vrai » n’est donc pas forcément rose à la base, mais les personnages s’avèrent heureusement très vite attachants, en particulier la famille Larsson, dont j’ai adoré la tante Willa. Si le but des auteurs est clairement d’aborder des thèmes d’actualités particulièrement durs, tels que le harcèlement scolaire, le bodyshaming, le cyber-harcèlement, la transidentité, l’acceptation de soi ou la différence, elles le font néanmoins sur fond de romance, en parsemant le tout d’une bonne dose d’humour. Du coup, « La vie en vrai » n’est donc pas dénuée d’espoir et les messages délivrés par les autrices se veulent finalement assez positifs…

En proposant une narration qui passe constamment de Louve Larsson à Lazare Nightingale, Emma Green livre non seulement des chapitres qui se font intelligemment écho, mais invite surtout les lecteurs à se mettre alternativement dans la peau de la victime et de son bourreau (…des cœurs). Un procédé qui permet de mieux comprendre cet harceleur qui se dévoile progressivement au fil des pages.

Une lecture particulièrement addictive qui m’aura permis de croiser mon premier « iel » en roman et qui me donne envie de découvrir les deux autres tomes indépendants de cette trilogie.

Dans le même genre, je vous conseille vivement les romans « Eleanor & Grey » et « Landon & Shay » de Brittainy C Cherry, qui proposent également des romances « Young Adult » tout en abordant des thématiques assez identiques (surtout le deuxième).

La vie en vrai, Emma Green, Addictives, 472 p., 17,90€

Elles/ils (et iels éventuellement) en parlent également : Jennifer, Luciole, Lisa, Maria, Elsa, Sophie, Minouche, Elyosa, I need more books

R.J. Ellory – Une saison pour les ombres

Posted in Littérature, R.J. Ellory with tags , on 8 février 2023 by Yvan

De la noirceur dans l’enfer blanc du Canada !

Une saison pour les ombresPour son dernier roman en date publié chez Sonatine, l’écrivain britannique R.J. Ellory nous emmène à Jasperville, un bled perdu dans le Nord-Est du Canada où personne n’aurait l’idée de vivre s’il n’y avait pas de minerai de fer à exploiter.

En 1984, Jack Devereaux a d’ailleurs fui cette région hostile pour refaire sa vie à Montréal. Mais, vingt-six ans après avoir quitté l’enfer blanc québécois, il reçoit un appel de la police locale qui va malheureusement l’obliger à retourner au bercail. Son jeune frère Calvis vient en effet d’être arrêté pour tentative de meurtre et, ce qui étonne le plus Jack, ce n’est pas que son petit frère ait disjoncté… mais que cela ait mis si longtemps à arriver !

C’est donc sur fond blanc que R. J. Ellory déroule sa plume foncièrement noire. Un endroit éloigné de tout où les hivers sont rudes et les étés humides et peuplés de moustiques. Un environnement propice aux dépressions et aux suicides… si vous n’y mourrez pas avant, de froid ou dévoré par des animaux affamés, allant d’une meute de loups à un ours. Et pour couronner le tout, selon les autochtones algonquiens, la région serait également peuplée de wendigos, des créatures surnaturelles, maléfiques et anthropophages que vous n’avez pas vraiment envie de croiser. Bref, l’environnement idéal pour y planter l’intrigue d’un roman noir !

« Une saison pour les ombres » n’est pas seulement un cadre hostile limitant fortement l’espérance de vie, mais également l’histoire d’un retour aux sources forcé. En cherchant à comprendre pourquoi son frère a voulu tuer cet homme, Jack Devereaux se voit en effet obligé de lever le voile sur un passé qu’il avait pourtant enfoui au plus profond. Au-delà de ce frère qu’il a lâchement abandonné à l’aube de ses douze ans et des mauvais souvenirs qu’il a choisi de laisser derrière lui, Jack avait également tourné le dos à son premier amour… et à ces nombreux corps retrouvés éventrés au fil des ans. Welcome back à Jasperville !

« – Tu penses que Dieu nous punit tous ?

– Non, répondit Henri. Les hommes se punissent tout seuls. Dieu n’est là que pour porter le chapeau. »

« Une saison pour les ombres » est donc un roman foncièrement noir, livré par un maître du genre, ainsi qu’une recherche de vérité au cœur d’un passé pas toujours bon à remuer. Un roman d’ambiance qui dresse progressivement le portrait d’une communauté isolée essayant de survivre tant bien que mal là où personne ne veut demeurer. Une intrigue qui s’immisce au sein d’une famille et d’une fratrie détruite par les drames. Un endroit où vous ne voulez absolument pas aller…sauf qu’en compagnie d’Ellory, j’y serais volontiers resté encore un peu !

Je ne sais donc pas si je dois remercier Yvan Fauth du blog littéraire EmOtionS de m’avoir aidé à résoudre cette enquête 😊

Une saison pour les ombres, R. J. Ellory, Sonatine, 396 p., 25€

Elles/ils étaient également à Jasperville : Yvan, Kitty, Stelphique, Aude, Anthony, Nadia, Aurélie, La page qui marque, Evasion polar, Ma voix au chapitre, Encore un livre

Jérôme Camut et Nathalie Hug – Nos âmes au diable

Posted in Littérature with tags , on 28 janvier 2023 by Yvan

Et si la mort d’un enfant n’était pas le pire ?

Jérôme Camut et Nathalie Hug - Nos âmes au diableSixtine Vigier, dix ans, disparaît sur l’île d’Oléron. Alors qu’un sentiment de culpabilité dévore son père Richard, supposé la surveiller, ainsi que sa mère Jeanne, trop accaparée par son métier pour être présente, la fillette demeure introuvable. L’absence de corps entretient cependant cette petite lueur d’espoir tellement cruelle… et si la mort n’était pas ce qui pouvait lui arriver de pire ?

« Nos âmes au diable » débute certes comme une affaire de kidnapping classique, mais au fil des pages le duo d’auteurs va progressivement proposer une intrigue plus complexe et machiavélique. Si certains lecteurs ne manqueront pas de la trouver légèrement trop capillo-tractée, j’ai pour ma part surtout eu les poils qui se dressaient régulièrement d’effroi tellement j’ai tremblé avec les personnages.

En invitant à suivre en parallèle le calvaire de la gamine et la descente aux enfers de sa mère, Jérôme Camut et Nathalie Hug, que j’avais découvert au détour d’une nouvelle en lisant « Ecouter le noir », livrent un véritable page turner qui m’a happé de la première à la dernière page.

Quand on écrit à quatre mains il devient certes plus facile d’en garder une de libre pour délivrer une belle claque et j’invite donc tous les amateurs de thrillers psychologiques à tendre la joue…

Je n’en dirai pas plus pour ne pas gâcher votre plaisir… D. comme du tout bon polar !

Nos âmes au diable, Jérôme Camut et Nathalie Hug, Fleuve, 374p., 19,90€

Elles/ils en parlent également : Yvan, Aude, Juju, Hedwige, Nadia, Mélie, Maud, Sonia, Annick, Caro, Katia, Delphine, L’œil noir, Lire & courir, One more cup of coffee, Evasion polar

Philippe Besson – Ceci n’est pas un fait divers

Posted in Littérature with tags , on 21 janvier 2023 by Yvan

Le féminicide n’est pas un fait divers !

Philippe Besson - Ceci n’est pas un fait divers« Papa vient de tuer maman. »

À l’inverse du « happy-end » américain, Philippe Besson livre une grosse claque d’entrée en débutant son nouveau roman par ces cinq mots qui retiennent immédiatement toute l’attention du lecteur. Une phrase courte, percutante et lourde de sens, prononcée au téléphone par une gamine de treize ans qui vient d’assister à l’innommable qui se cache derrière ces cinq mots. À l’autre bout du fil, la vie du grand frère de dix-neuf ans vient de basculer. C’est lui qui encaisse l’onde de choc qui accompagne cette phrase, qui va remonter le fil de sa vie pour chercher les indices qui permettraient d’expliquer l’inexplicable, qui va sauter dans le premier train afin de recoller les quelques morceaux qu’il reste de cette famille volée en éclats et qui va se transformer en narrateur afin de mettre des mots et surtout des sentiments sur cet événement qui, pour lui, est tout sauf un simple fait divers !

À l’instar de David Lelait-Helo dans son excellent « Je suis la maman du bourreau », Philippe Besson (« Paris-Briançon ») se glisse dans la peau des victimes collatérales d’un crime. Tandis que le médecin légiste examine le corps de cette mère tuée de dix-sept coups de couteau par son mari, Philippe Besson se livre à l’autopsie de sa famille, décortiquant les prémices et les conséquences du drame avec une précision quasi chirurgicale. Des signes précurseurs, allant d’une jalousie excessive à de la violence psychologique, aux répercussions du drame, en passant par l’escalade des violences conjugales et les lâchetés de ceux qui ne sont pas intervenus, Philippe Besson fouille le passé et analyse le présent, pointant non seulement du doigt ce fait de société qui alimente trop souvent la page des faits divers de l’actualité, mais sortant surtout de l’ombre ces victimes invisibles dont on ne parle pas : ces proches traumatisés, endeuillés et meurtris à jamais !

Ce qui me séduit à chaque fois dans les romans de Philippe Besson, c’est l’élégance de sa narration, qu’il combine cette fois à l’intelligence de ne pas en faire trop, de ne pas rechercher les effets de style afin de décrire ce sujet délicat avec pudeur et grande justesse. Laissant de côté les envolées issues de ses propres tripes qui m’ont tellement séduit lors de ses ouvrages plus intimes, l’auteur de « Arrête avec tes mensonges » pose ici ses mots avec grande délicatesse sur les blessures d’un autre. S’imposant des limites à ne pas franchir, des libertés à ne pas saisir, comme une sorte de retenue qui s’impose vis-à-vis de ce récit inspiré de faits réels qu’il désire conserver au plus près de la réalité tout en se l’appropriant avec brio, Philippe Besson s’attaque au féminicide d’une plume alliant sobriété et sensibilité.

Non, le féminicide n’est pas un fait divers !

Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson, Julliard, 208 p., 20€

Elles/ils en parlent également: Anthony, Frédéric, Sonia, Karine, Kitty, Stelphique, Baz’Art, Rose, Célittérature, Elodie