Archive pour Moyen-Orient

Rachid Benzine – Voyage au bout de l’enfance

Posted in Littérature with tags , on 25 janvier 2022 by Yvan

Un brin de poésie en enfer !

Rachid Benzine - Voyage au bout de l’enfanceÉlève de CE2, Fabien est un petit garçon heureux de la banlieue parisienne qui adore la poésie. Lorsque, du jour au lendemain, son père lui annonce que toute la famille quitte Sarcelles pour rejoindre l’État islamique en Syrie, sa vie bascule subitement dans l’horreur.

Cette fiction qui s’inspire de faits réels raconte l’histoire de victimes de l’endoctrinement de Daech. Des jeunes familles musulmanes qui tournent le dos à une intégration difficile pour tomber dans le piège du fanatisme religieux. Une fois sur place, la terre promise s’avère surtout une descente aux enfers, faite de violence, de barbarie et de misère.

En prenant un petit Français, rebaptisé Farid dès son arrivée en Syrie, comme narrateur, Rachid Benzine propose un regard à la fois criant de vérité et débordant d’innocence. Embrigadé dans les Lionceaux du Califat, prix au piège au cœur de la barbarie la plus extrême, ce gamin n’est pas seulement victime de Daech, mais également de la décision de ses parents d’aller faire le djihad et victime d’une France qui ne lui offre aucune porte de sortie. Le sort de cet innocent venu distiller un brin de poésie en enfer ne peut donc pas laisser indifférent…    

Ce récit un brin trop court est celui d’une enfance piétiné, d’une dénonciation du fanatisme religieux, d’un hommage à la poésie et d’une invitation à la tolérance envers ces musulmans trompés par Daech, embarqués malgré eux, puis exclus par la France.

Lisez également l’excellent « Ce que tient ta main droite t’appartient » de Pascal Manoukian sur le même sujet.

Voyage au bout de l’enfance, Rachid Benzine, Seuil, 80 p., 13€

Ils en parlent également : Karine, Baz’Art, Stelphique, Céline

Négar Djavadi – Désorientale

Posted in Littérature with tags , on 24 mars 2021 by Yvan

Une iranienne à Paris !

Négar Djavadi - DésorientalePour son premier roman, l’écrivaine d’origine iranienne Négar Djavadi s’inspire de son vécu pour nous livrer une saga familiale sur plusieurs générations qui nous emmène de Téhéran à Paris.

« Désorientale » démarre en compagnie de Kimiâ Sadr dans la salle d’attente d’un service de procréation médicalement assistée. Alors qu’elle est en train de patienter, la narratrice laisse ses souvenirs affluer : son pays d’origine, son exil et sa famille…

« Désorientale » propose une fresque familiale sur trois générations, qui démarre en compagnie de l’arrière-grand-père aux cinquante-deux femmes et aux vingt-huit enfants, pour ensuite faire la connaissance de Nour, la grand-mère aux yeux bleus, puis de ses parents : Sara, la mère débordante d’amour et Darius, le père journaliste surveillé de très près par le régime…

« Désorientale » est un roman sur l’exil, sur le déracinement, sur la différence, sur la recherche d’identité, sur les origines et sur la transmission, qui permet d’une part de dresser le portrait de l’Iran du Shah, tout en offrant le regard d’une exilée sur notre société.

Mon esprit cartésien aurait probablement préféré une narration un peu plus linéaire, surtout qu’il faut déjà solidement s’accrocher pour ne pas tomber de l’arbre généalogique sur lequel la narratrice bondit d’une branche à l’autre, tout en multipliant les digressions. Je n’ai cependant jamais eu l’impression de véritablement perdre le fil rouge, parsemé d’émotions, de cet excellent récit.

Si vous avez aimé l’excellent « Persépolis » de Marjane Satrapi ou « Une métamorphose iranienne » de Mana Neyestani, ce roman ne devrait pas avoir trop de mal à vous séduire !

Désorientale, Négar Djavadi, LIANA LEVI, 352 p., 11€

Ils en parlent également : Marine, Page après page, Sylvie, Emmanuelle, Gambadou, Jean-Paul, Mes mots mes livres, Ma collection de livres, Joelle, Edyta

Yasmina Khadra – L’attentat

Posted in Littérature with tags , , on 10 mai 2020 by Yvan

Une quête de vérité !

Yasmina Khadra - L'attentatL’attentat suicide qui vient d’avoir lieu dans un restaurant de Tel-Aviv est celui qui va définitivement bouleverser la vie d’Amine Jaafari. Chirurgien israélien d’origine palestinienne, il doit certes tenter de sauver les nombreuses victimes acheminées vers son hôpital, mais le véritable choc vient après, lorsqu’il apprend que le kamikaze qui s’est fait exploser au milieu de la foule est sa propre femme…

J’ai découvert ce livre qui date de 2005 sur le tard mais, si, comme moi, vous avez aimé « Vous n’aurez pas ma haine » d’Antoine Leiris (récit bouleversant d’un auteur ayant perdu sa femme lors de l’attentat du Bataclan) ou « Ce que tient ta main droite t’appartient » de Pascal Manoukian (dressant le portrait d’anonymes qui décident de rejoindre l’Etat islamique en Syrie pour devenir des terroristes), vous allez également adorer ce roman qui se déroule au cœur du conflit israélo-palestinien et qui invite à suivre les pas d’un homme qui cherche à comprendre comment celle qu’il aime a pu se transformer en martyre…

Je n’avais encore rien lu de Yasmina Khadra, mais j’ai fortement apprécié sa capacité à restituer les sentiments de ce personnage principal en quête de vérité, rendant cette lecture totalement immersive. Lui, dont la vocation est de sauver des vies et non de les détruire, nie très logiquement initialement les faits… avant de plonger dans un désarroi total et de chercher à comprendre comment celle qui partage sa vie depuis quinze ans a pu basculer de l’autre côté sans qu’il ne voit rien venir…

L’autre force de ce roman est le style de l’auteur. Alliant force et délicatesse, son écriture demeure belle, même au cœur de l’horreur. Plaçant l’accent sur l’humain, il n’hésite cependant pas à énoncer certaines vérités au cœur de cette tragédie israélo-palestinienne dont personne ne sort gagnant… à part la douleur et la haine !

Un coup de cœur !

L’attentat, Yasmina Khadra, Pocket, 256 p., 8,75€

Ils en parlent également: Maud et ManonHey Manouchka, La dent dure, Gounaillerue, Le temps littéraire, 7 livres, Cepag, Au chapitre, Mademoiselle lit, Yuko, Pimprenelle, Neph

Pascal Manoukian – Ce que tient ta main droite t’appartient

Posted in Guerre, Littérature with tags , , , on 30 juin 2017 by Yvan

Dans le nid des terroristes !

Pascal Manoukian - Ce que tient ta main droite t'appartientAlors que son premier roman, encensé par les critiques et retraçant le parcours de migrants arrivés clandestinement en France, s’est inexplicablement échoué quelque part dans ma PAL, ce deuxième ouvrage a très vite terminé dans mes mains, pour ne plus les quitter avant la dernière page.

En s’intéressant à la destinée de ceux qui décident de rejoindre l’Etat islamique en Syrie avant de revenir nous exploser à la gueule, l’ancien reporter de guerre s’attaque non seulement à un sujet d’actualité, mais il le fait surtout avec un réalisme qui fait froid dans le dos et à l’aide d’une narration aussi élégante que percutante, qui nous tient en haleine du début à la fin.

Au fil des pages, Pascal Manoukian dresse le portrait d’anonymes qui deviennent candidats au djihad pour des mauvaises raisons. Il y a Lila, une adolescente de quinze ans d’origine algérienne, qui se dégote un mari à Alep, où elle pense pouvoir faire du shopping gratuit. Puis il y a Anthony et sa femme Sarah, qui veulent élever leur fils de quatre ans en terre sacrée afin d’en faire un bon musulman. Mais il y a surtout Karim, le personnage principal, dont la femme vient de se faire exploser sur la terrasse d’un bar de Paris, lors d’une attaque terroriste revendiquée par l’État islamique et perpétrée par un jeune Français ayant grandi dans la même banlieue que lui. Le jeune homme, musulman, décide alors de se rendre en Syrie, afin de comprendre ce qui pousse ces jeunes à emprunter le chemin de la radicalisation, mais également afin de trouver le commanditaire de l’attentat qui a tué sa femme, ainsi que le bébé qu’elle s’apprêtait à lui offrir.

De Paris à Mari, en passant par Bruxelles, Gaziantep, Raqqa et Alep, Pascal Manoukian suit les pas d’écervelés endoctrinés par une organisation terroriste qui sert au plus mal cette religion qu’elle met en exergue, remontant ainsi progressivement la piste de l’organisation terroriste, jusque dans son antre. A travers les destins d’anonymes, l’auteur détaille les rouages d’une machine de recrutement parfaitement huilée, qui exploite à merveille les faiblesses de notre société hyper-connectée en ciblant une jeunesse paumée en perte de repères. De la propagande via Internet aux actions kamikazes visant à faire le plus de victimes possible, en passant par les passeurs et les camps d’entraînement, le tableau dressé par Pascal Manoukian s’avère particulièrement sombre et pour le moins alarmant.

Une lecture essentielle, qui ne laisse pas indemne et que l’on ne referme pas forcément rassuré malgré une belle note d’espoir envers cette religion de partage et de paix, bafouée par quelques imbéciles…

Zeina Abirached – Le Piano oriental

Posted in BANDES DESSINÉES, Casterman, Ecritures, Franco-Belge, One-shots, [Angoulême 2016], [Avancé], [DL 2015] with tags , , on 13 janvier 2016 by Yvan

Le pont entre l’orient et l’occident !

Zeina Abirached - Le Piano orientalDans ce récit autobiographique mélodieux, Zeina Abirached raconte sa destinée entre Paris et Beyrouth et celle de son arrière-grand-père, l’inventeur du piano oriental.

Les pas rythmés d’Adballah Kamanja emmènent tout d’abord le lecteur dans le Beyrouth des années 60. Après des années de recherche et d’essais, le mélomane trouve enfin l’astuce permettant à son piano de produire le fameux quart de ton, indispensable pour pouvoir y jouer de la musique orientale. En parallèle, en 2004, le lecteur suit l’histoire d’une jeune femme qui quitte son Liban natal pour Paris, emportant avec elle seulement 23kg de son ancienne vie…

Très loin du Beyrouth déchiré par la guerre, Zeina Abirached propose un récit miroir qui se déroule en partie avant et en partie après la guerre du Liban. Au fil des pages et des allers-retours à travers les époques, le lecteur découvre le lien qui unit ces deux vies. Il y a bien entendu le lien familial qui lie l’auteure à son arrière-grand-père, mais il y a surtout cette envie de créer un pont entre deux cultures. Lui, dans sa quête de vouloir accorder deux musiques différentes au sein d’un même instrument, et elle, à travers la relation qu’elle entretient avec ses deux langues maternelles, le français et l’arabe. Ce bilinguisme prolongé au niveau d’un instrument de musique (qui a visiblement raté son rendez-vous avec l’Histoire) lie ainsi avec brio l’orient et l’occident, au sein d’un récit qui allie musicalité et sensibilité.

Cette ode à la musique se retrouve également au niveau de planches rythmées par le scrouitch-scrouitch des chaussures italiennes d’Adballah ou par le toc-toc de son couvre-chef traditionnel. Si l’auteure franco-libanaise joue avec les sonorités, elle utilise également avec maestria toutes sortes de formes géométriques et de motifs au sein d’un dessin noir et blanc qui s’installe très vite au diapason de cette belle partition.

Un piano oriental qui sonne particulièrement juste !

Riad Sattouf – L’Arabe du futur

Posted in Allary Éditions, BANDES DESSINÉES, Festival BD Angoulême, Franco-Belge, Trilogies, [Accessible], [Angoulême 2015], [Angoulême 2016], [DL 2014] with tags , , , on 29 novembre 2014 by Yvan

Premier volet d’une autobiographie qui fait mouche !

Riad Sattouf - L'Arabe du futurNormalement, je ne suis pas trop friand des bandes dessinées de Riad Sattouf (Pascal Brutal), mais comme celle-ci était conseillée par Brunschwig, je me suis laissé tenter.

Ce récit autobiographique s’avère immédiatement plus intime et plus sérieux que les autres récits que j’ai pu lire de l’auteur. À l’instar de Marjane Satrapi dans « Persepolis », Riad retrace une partie de son enfance et de l’histoire de sa famille, tout en posant son regard d’enfant sur les régimes dictatoriaux et les différentes cultures qu’il croise. Né en France, puis trimbalé dans la Libye du colonel Kadhafi, avant d’atterrir dans le bled familial paumé dans la Syrie d’Hafez Al-Assad, Riad Sattouf propose un premier volet qui revient sur ses souvenirs datant de 1978 à 1984.

Si sa mère bretonne demeure assez discrète au sein de ce premier volet où elle se contente de partager ses silences, tout en suivant les pas de son mari de manière plutôt résignée, le père de Sattouf est par contre dépeint avec un mélange de précision, de cruauté et de tendresse au fil des pages. Musulman non pratiquant et seul intellectuel d’une famille d’imbéciles, Abdel-Razak Sattouf est un fervent partisan du pan-arabisme. Naïf et maladroit, il parvient à séduire une jeune Bretonne, mais est persuadé que l’avenir de sa famille se trouve en Syrie. Le problème est qu’il demeure aveugle aux véritables problèmes de son pays d’origine et aux difficultés d’intégration de sa famille.

Mais la véritable vedette de cet album est bien évidemment le petit Riad Sattouf. Ce joli petit blondinet aux cheveux bouclés se retrouve balloté entre les idéaux naïfs de son père et un environnement où il a bien du mal à trouver ses repères. Outre le choc des cultures et une langue qu’il ne maîtrise pas du tout, le petit doit également faire face à des cousins antisémites qui le brutalisent constamment.

À l’instar de Guy Delisle (Pyongyang, Shenzen, Chroniques Birmanes, Chroniques de Jérusalem), Riad Sattouf pose également un regard amusant, mais pas forcément positif, sur les pays qu’il visite. L’auteur ne raconte pas seulement son enfance, tout en dressant le portrait de son père, il relate également avec beaucoup d’humour et de lucidité les absurdités qu’il a observées. Des trous dans le plancher des véhicules à ce couscous partagé en famille (où les femmes n’ont droit qu’aux restes et aux os rongés par les hommes), en passant par cette maison qu’il faut constamment garder occupée (Khadafi ayant décrété que les maisons ne pouvaient pas être verrouillées de l’extérieur et qu’une maison inoccupée appartient à celui qui la veut), la capacité du petit Riad à observer et à relater la bêtise humaine fait souvent mouche.

Visuellement, le dessin en bichromie accompagne le récit avec grande efficacité et l’alternance des couleurs au fil des pays permet d’accentuer les changements d’univers qui accompagnent les déménagements de la famille.

Vivement la suite de cette saga prévue en trois tomes, qui ne fera probablement pas du petit Riad l’Arabe du futur rêvé par son père, mais juste un auteur BD reconnu… ce qui n’est déjà pas mal du tout !

Mezzo et Pirus – Les Désarmés

Posted in BANDES DESSINÉES, BD du mercredi, Franco-Belge, Glénat, Intégrales, [Accessible], [DL 2010] with tags , on 28 novembre 2012 by Yvan

Entre western, polar noir et road-movie…

Mezzo et Pirus - Les DésarmésMezzo et Pirus sur la couverture d’un album, il ne m’en faut pas plus pour m’inciter à l’achat. Et pourtant, il ne s’agit pas d’un nouvel album du duo à l’origine du magistral Le Roi des mouches, mais d’une intégrale regroupant deux anciens tomes des éditions Zenda, publiés en 1991. Une réédition, retravaillée au niveau des couleurs et même au niveau de certains dialogues, proposée au sein du label Drugstore de Glénat.

Balançant entre western, polar noir et road-movie à l’américaine, ce récit débute par une course poursuite poussiéreuse dans le désert du Texas. Construit sous forme d’un long flashback qui explique l’issue fatidique, l’intrigue est somme toute assez classique et reprend les éléments qui font la force du genre. « Désarmés » est l’histoire d’un braquage qui foire inévitablement, combiné à un règlement de comptes familial. Le plan qui foire, les brigands qui se trahissent, les flics corrompus, les femmes manipulatrices et les courses-poursuites parsemées de balles … rien de neuf sous l’horizon, me direz-vous ! Et pourtant, le récit de Mezzo et Pirus s’avère parfaitement maîtrisé, pourvu de dialogues ciselées et de personnages charismatiques … et d’une fin brillante.

Ce qui fait également la force de cette intégrale, est l’atmosphère pesante qui règne tout au long de l’album. Et c’est là qu’il faut souligner le travail remarquable de Mezzo, qui nous emmène dans une Amérique sombre et profonde, au sein d’une ambiance qui s’installe au diapason du scénario.

Une intégrale qui vaut assurément le détour !

bd du mercredi Allez découvrir les autres BDs du mercredi sur le blog de Mango !