Brian Azzarello – Joker


Batman JokerLentement, la rumeur se propage dans les rues sombres de Gotham City. Le Joker serait libéré de l’asile d’Arkham ! A peine relâché du célèbre nid de psychopathes, le Joker se rend vite compte des conséquences de son enfermement prolongé : il est fauché ! Des types qui pensaient ne plus jamais le revoir se sont tout partagé. Il croyait avoir laissé sa ville entre des mains compétentes, mais elles lui ont tout pris. Le plus célèbre des clowns revient cependant sur les devants de la scène, bien décidé à mettre fin à ce cirque et… une fois de plus, son rire risque bien de ne pas être contagieux. Pourtant, les autres super-vilains n’ont pas vraiment l’intention de lui rendre son territoire sur un plateau et Harvey Dent, le caïd des rackets, ne compte pas non plus montrer son meilleur profil.

Seulement quelques semaines après la parution sur le marché francophone du cross-over entre Batman et Deathblow, Brian Azzarello et Lee Bermejo consacrent un one-shot au plus célèbre ennemi de l’homme chauve-souris. Derrière cette couverture qui ne dénoterait pas dans la salle d’attente d’un cabinet dentaire, le Joker en met plein les gencives. A travers ce récit situé hors continuité, l’auteur de 100 bullets livre le portrait extrêmement sombre d’un personnage qui laisse libre cour à sa folie. Alors que l’incontournable Rire et Mourir d’Alan Moore utilisait également une évasion du Joker afin d’explorer ses origines, Azzarello se concentre principalement sur la noirceur de l’ancien détenu. A l’inverse de Batman/Deathblow, il propose une histoire assez simple, basée sur la vengeance et se nourrissant des éléments classiques des films de gangsters. De la célébration de la sortie de prison à l’affrontement inévitable avec les gangs adverses, en passant par la négociation des parts de marché, cette vendetta baignant dans la violence ravira les amateurs du genre.

Au-delà de l’admirable représentation de l’ennemi juré du Dark Knight, le parcours sanglant du Joker met à jour les dessous peu appétissants de Gotham City, proposant par la même occasion une vision angoissante et délicieusement sinistre de la célèbre métropole. Le choix de suivre ce tourbillon de folie à travers le regard d’un petit voyou inconnu, souhaitant se faire un nom dans le milieu du crime, s’avère finalement assez judicieux. Le témoignage en voix-off de cette petite frappe transformée en témoin privilégié de la démence du Joker, rend presque palpable le danger qui émane de ce sociopathe vicieux. Accompagnée de quelques monologues révélateurs de la part de ce bouffon sanguinaire, cette narration intelligente transforme lentement toute forme d’adoration envers le personnage en crainte face à son imprévisibilité et son instabilité. Alors que le scénariste intègre un à un les adversaires les plus aliénés du chevalier noir à son récit, le Dark Knight n’apparaît qu’à la fin de cette danse funèbre orchestrée par son antagoniste le plus souriant. Se contentant d’un rôle discret mais déterminant, l’unique Dieu de Gotham apporte délivrance et châtiment à ce Diable sorti une nouvelle fois de sa boîte pour mettre la ville à feu et à sang.

Plus que le scénario, c’est surtout le graphisme époustouflant de Lee Bermejo qui fait ressortir toute la vilenie du personnage principal ainsi que l’atmosphère pesante et lugubre de Gotham City. Proposant une version rafraichissante mais parfois assez personnelle des différents protagonistes (comme en témoigne les nouveaux looks de Croc et du Sphinx), il aligne des planches de toute beauté. Au détour de véritables peintures, son trait détaillé accompagne la cruauté gratuite et la psychose du personnage et plonge le lecteur au sein d’une ambiance envoûtante.

Une œuvre à classer entre le comics d’Alan Moore (Rire et Mourir) et le récent film de Christopher Nolan (The Dark Knight), parmi les meilleures représentations du Joker.

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