Zidrou & Jordi Lafebre – Lydie


Jeu morbide dans l’impasse du bébé à moustache !

Zidrou & Jordi Lafebre LydieDans un petit village, l’impasse du Baron Van Dick a jadis été renommée « impasse du bébé à moustache ». C’est au bout de cette voie sans issue qu’habite Camille, une simple d’esprit à qui la vie ne réserve guère plus de perspectives. Déjà orpheline de sa mère dès la naissance, elle accouche d’un bébé mort-né, qu’elle comptait appeler Lydie. Triste et désemparée, la jeune simplette se réfugie dans le déni. Quelques semaines plus tard, c’est pourtant radieuse et souriante qu’elle annonce le retour miraculeux de son bébé, persuadée que les anges du ciel ont ressuscité sa petite Lydie. D’abord perplexes face à la vision de ce nourrisson invisible, les riverains acceptent finalement de jouer le jeu …

Ce one-shot de la collection Long Courrier se déroule au début des années 30, à une époque et dans un quartier où les voisins se connaissent et partagent peines et plaisirs. C’est au sein de ce microcosme aussi attachant que celui de Magasin Général et sur fond de chronique sociale, que Zidrou et Jordi Lafebre livrent l’histoire d’une communauté qui, devant le bonheur affiché par la maman de ce bébé imaginaire, embrasse un mensonge dont l’énormité est à la mesure de la solidarité et de la compassion dont elle fait preuve.

D’abord étonné par le point de départ de ce scénario aux allures de conte, le lecteur finit par se prêter au jeu morbide et à voir la vie là où elle n’est pas. Dans un monde où cette dernière n’a pas toujours les droits et la reconnaissance qu’elle mérite, cet élan de fraternité et de générosité réchauffe les cœurs. La statuette de la Sainte Vierge à l’enfant, qui alimente la voix-off de ce récit, invite d’ailleurs intelligemment à croire au miracle de cette société qui se plie en quatre pour contribuer au bonheur retrouvé d’une jeune maman sur lequel le sort semble s’acharner. Au fil des pages, l’enfant-fantôme se met alors à revivre et le mensonge fait office de baume à une vérité qui fait beaucoup trop mal. Des promenades en landau aux visites nocturnes au médecin, la résurrection prend forme, transformant le drame en moments de joie et d’optimisme qu’il est plaisant de partager.

Les dessins de Jordi Lafebre distillent énormément de sensibilité au récit. Au sein d’une ambiance rétro emplie de nostalgie et d’humanité, l’auteur ibérique livre des personnages attachants aux faciès appropriés et une colorisation aux teintes sépia en parfaite adéquation avec le ton de cette fable riche en émotions.

« Mon bébé ! Les anges du ciel me l’ont rapporté ! Je le savais bien, moi, que le Bon Dieu ne pouvait pas garder mon petit bébé auprès de lui. La place d’un bébé, c’est contre le cœur de sa maman, pas au paradis ! »

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