Mazzucchelli – Asterios Polyp


Chef-d’oeuvre d’une virtuosité narrative hallucinante !

Mazzucchelli Asterios PolypLa renommée internationale d’Asterios Polyp, architecte réputé et brillant concepteur, ne repose malheureusement pas sur ses réalisations car aucun de ses édifices n’a jamais été construit. Un soir d’orage, alors qu’il se laisse dépérir seul dans son luxueux appartement new-yorkais, la foudre s’abat soudainement sur l’immeuble où il réside et déclenche un incendie. Dans la précipitation de l’évacuation, tandis que tous les souvenirs de son existence se mettent à brûler, il n’a le temps que de sauver un briquet, une montre et un couteau suisse. Accompagné d’un éclair qui illumine le ciel, cet élément déclencheur marque cependant le début d’une nouvelle vie. Contraint de quitter l’ancienne, il décide de prendre le bus vers une bourgade isolée du reste du monde ou du moins, de celui qui était le sien. Engagé comme mécano, il prend le temps d’analyser son passé, afin de donner un sens à son futur.

Déjà reconnu pour son excellent travail sur Daredevil et Batman, David Mazzucchelli est méritoirement sorti grand vainqueur de la dernière cérémonie des Eisner Awards, avec pas moins de trois titres (« Best graphic album – New », « Best Writer/Artist » et « Best Lettering ») pour cette petite perle issue d’un registre totalement différent de ses précédents ouvrages.

Le récit de cet homme qui part refaire sa vie est entrecoupé de nombreux flash-backs, qui permettent de dévoiler des bribes de l’ancienne existence de ce professeur d’architecture, replié sur lui-même dans un monde de grandioses théories et d’intellect. Poursuivi par le fantôme d’un frère jumeau mort-né et incapable de construire des relations stables avec les autres et en particulier avec sa femme, il s’isole lentement dans sa bulle, jusqu’à ce signe du destin qui ravage son cocon et provoque une renaissance inespérée du personnage. C’est donc un tout autre Asterios qui repart à zéro dans cette petite ville malicieusement nommée Apogée. Abandonnant son érudition et ses préceptes prétentieux, il se laisse maintenant guider par le hasard et découvre la joie de vivre tout en se remémorant ses erreurs. Au-delà de ce personnage complexe et intéressant, l’auteur livre également une réflexion philosophique extrêmement intelligente, abordant notamment les manières de percevoir la réalité qui nous entoure.

Le graphisme proposé par Mazzucchelli se place d’ailleurs au diapason de ce questionnement du réel et de cette interrogation sur la perception des choses. Faisant preuve d’une inventivité narrative à toute épreuve, il insuffle énormément de sensibilité à ses planches et, en liant intimement texte et dessin, il donne beaucoup de profondeur et de force à chacune de ses phrases. Afin d’appuyer le fait que chaque individu possède ses propres spécificités, il adjoint à chacun des ses protagonistes un style graphique personnel en jouant avec les phylactères, la topographie, les formes et les couleurs. Cette personnalisation graphique judicieuse, combinée à une colorisation clairvoyante faisant uniquement usage de bleu, de jaune et de rouge, permet d’imprégner les mots et les personnages d’énormément d’émotion. De l’art de jouer la sobriété pour décupler la portée d’un message.

Asterios Polyp est une œuvre intimiste, d’une richesse incroyable et d’une virtuosité narrative hallucinante !

Mazzucchelli - Asterios PolypLisez également l’avis de Champi sur K.BD !

3 Réponses to “Mazzucchelli – Asterios Polyp”

  1. C’est mon chouchou pour Angoulême. J’espère qu’il remportera le prix du meilleur album, parce que là, je trouve que MAzzuchelli fait preuve d’une inventivité et d’une maîtrise graphique juste IMPRESSIONNANTE. Je le trouve un cran au dessus de tout ses collègues publiés en 2010.

  2. Mon préféré pour Angoulême aussi, même si je suis certain qu’ils seront capables d’en trouver un autre pour le prix …

  3. […] en soulignant la « virtuosité narrative » que nous avons tous applaudie, Yvan évoque une réflexion philosophie très intelligente sur la manière de percevoir la réalité, […]

Laisser un commentaire