Archive pour Russie

Ben Macintyre – L’Espion et le Traître

Posted in Littérature with tags , , on 31 décembre 2022 by Yvan

Une traitrise héroïque !

Ben Macintyre - L’Espion et le TraîtreSi plus ou moins tout le monde connaît le célèbre espion britannique Kim Philby, agent double ayant trahi les services de Sa Majesté en travaillant pour le KGB, l’historien Ben Macintyre retrace ici le parcours incroyable d’Oleg Gordievsky, agent secret du KGB ayant tourné le dos à l’URSS au profit du Royaume-Uni.

Fils d’un officier du KGB, Oleg Gordievsky a grandi au cœur des services secrets soviétiques jusqu’au moment où, de plus en plus séduit par les libertés de l’Ouest, il s’est progressivement mis à douter du système communiste, allant jusqu’à devenir l’une des plus importantes et plus fiables sources d’informations de l’Occident. C’est lui qui a probablement permis d’éviter une guerre nucléaire lorsque la guerre froide battait son plein, c’est lui qui conseillait Margaret Thatcher et Ronald Reagan lorsque ceux-ci cherchaient à se rapprocher de Mikhaïl Gorbatchev, l’homme de la glasnost et perestroïka. Décoré pour services rendus, il ne trahissait pas pour l’argent, comme Rick Ames, l’agent de la CIA qui l’a finalement vendu au KGB, mais par conviction…un héros de l’ombre qui a risqué sa vie et celle de sa famille pendant des dizaines d’années pour nous, pour le bien de notre démocratie !

Finement documenté, Ben Macintyre réussit non seulement l’exploit de narrer une histoire complexe, regorgeant de protagonistes, sans jamais perdre le lecteur, mais surtout de livrer une biographie tout bonnement palpitante, digne des meilleurs thrillers. Proposant une réalité qui dépasse de loin la fiction, il nous plonge en pleine guerre froide, restituant avec brio les tensions historiques de l’époque, tout en narrant l’incroyable parcours de cet homme, ponctué d’une tentative d’exfiltration par le MI6 dans l’antre réputé inviolable de l’ours soviétique.

Passionnant !     

L’Espion et le Traître, Ben Macintyre, De Fallois, 408 p., 23,40 €

Elles/ils en parlent également : Hélène, Squirelito

Renaud S. Lyautey – La Baignoire de Staline

Posted in Littérature with tags , , on 10 décembre 2022 by Yvan

Un voyage prenant dans le pays de Staline !

Renaud S. Lyautey - La Baignoire de StalineEn juin 2009, à l’hôtel Marriott de Tbilissi en Géorgie, un jeune Français est retrouvé mort sur son lit dans des circonstances pour le moins étranges. L’inspecteur Nougo Shenguelia de la brigade criminelle de la capitale géorgienne se voit chargé de l’enquête et, relations diplomatiques obligent, y sera assisté du premier conseiller de l’ambassade de France, René Turpin. A eux de découvrir l’identité de la victime et les raisons de son assassinat…

« La Baignoire de Staline » est le second et dernier roman de Renaud Salins (Lyautey est le nom de sa mère), l’auteur étant malheureusement décédé d’un cancer foudroyant à l’âge de 55 ans, quelques mois après avoir terminé ce livre. Avant de nous quitter, le diplomate français a su s’inspirer des trois années qu’il a passé en tant qu’ambassadeur de France en Géorgie, pour nous baigner dans les enjeux géopolitiques et les coulisses diplomatiques de ce pays voisin de l’ogre russe.

Si l’auteur nous plonge dans cette ex-république soviétique, terre natale de Joseph Staline, c’est pour nous faire ressentir à quel point le grand frère russe pèse encore sur la Géorgie et sur des habitants encore marqués par les nombreuses agressions de ce voisin qui ne manque pas une occasion de leur signaler sa présence. De Tbilissi à Tskaltubo, ancienne cité thermale florissante du temps de l’Union Soviétique, où Joseph Staline possédait une datcha ainsi qu’une baignoire qui donne son titre à l’ouvrage, l’auteur nous invite à découvrir ce pays dont il connaît visiblement tous les tenants et les aboutissants.

Cette enquête policière qui demeure au cœur de l’ouvrage n’est pas uniquement un prétexte pour nous faire découvrir l’arrière-fond historique et géographique du pays, mais également un moyen d’y mêler un récit d’espionnage. Terre natale de Joseph Staline et de son bras droit Lavrenti Pavlovitch Beria, la Géorgie s’avère historiquement étroitement liée aux services secrets russes et c’est avec beaucoup de maestria que l’auteur parvient à faire planer l’ombre de l’espion britannique Kim Philby, célèbre agent double et traitre anglais, sur ce polar qui séduit de la première à la dernière page.

Derrière ce titre interpellant et cette couverture séduisante se cachent les derniers mots d’un auteur décédé trop tôt, ainsi qu’un polar aussi dépaysant que prenant, mêlant récit d’espionnage et fond historique sans nuire à la fluidité du récit. Un rideau qui tombe et des lecteurs qui applaudissent !       

La Baignoire de Staline, Renaud S. Lyautey, Seuil, 224 p., 18,50 €

Elles/ils en parlent également : Fflo, Miriam, Patricia, Anita, Maude, Julie, Michel, Temps de lecture, Ô grimoire

Fabien Nury et Thierry Robin – Mort au Tsar, Le terroriste (Tome 2)

Posted in BANDES DESSINÉES, Dargaud, Diptyques, Fabien Nury, Franco-Belge, [DL 2015], [Grand public] with tags , , on 30 septembre 2015 by Yvan

L’assassin du Tsar !

Fabien Nury et Thierry Robin - Mort au Tsar, Le terroriste (Tome 2)« Le Terroriste » est le deuxième et dernier volet du diptyque « Mort au Tsar », relatant la mort de Sergueï Alexandrovitch, imaginé par Fabien Nury (La Mort de Staline, W.E.S.T.Il Etait Une Fois en France, L’or et le sang) et dessiné par Thierry Robin. S’inspirant du roman de Léonid Andreïev (Le Gouverneur), rédigé avant l’attentat, et de celui écrit par Boris Savinkov (Le Cheval blême), principal organisateur de l’attentat qui tuera le gouverneur en 1905, Fabien Nury avait déjà invité à suivre les derniers jours du gouverneur de Moscou lors du premier volet. Cette suite a tout de l’exercice de style, puisqu’il relate le même événement, mais en donnant le point de vue de celui qui va mettre fin à la vie du Tsar.

Retrouvant cette toile de fond historique dépeignant une Russie en proie à la révolte populaire, le lecteur suit donc les pas de Georgi et des autres membres de la cellule révolutionnaire qui fomente l’attentat. De l’organisation de l’acte terroriste à la traque du responsable, le récit avance de manière inéluctable vers la mort annoncée de Sergueï Alexandrovitch. L’intérêt du récit n’est cependant pas la fin tragique de ce personnage historique, mais le développement psychologique de Georgi et de ses complices. Nury dresse en effet le portrait intime d’un homme froid, manipulateur et sans scrupules, qui est prêt à tous les sacrifices pour atteindre son but. Ses complices – Erna la médiocre comédienne, Heinrich l’étudiant amoureux et Vania le cocher fanatique – ne sont pas en reste et complètent le casting côté anarchiste.

Au dessin, Thierry Robin fait à nouveau preuve d’une grande maîtrise au niveau de la mise en page. Proposant à nouveau des planches d’une lisibilité remarquable, il parvient à retranscrire les émotions des différents personnages, tout en restituant l’ambiance pesante et menaçante de cette population mûre pour le révolte.

Un diptyque incontournable, que vous retrouverez dans mon Top BD de l’année !

Aurélien Ducoudray et Anlor – Amère Russie, Les colombes de Grozny (Tome 2)

Posted in Bamboo, BANDES DESSINÉES, Diptyques, Franco-Belge, Guerre, [DL 2015], [Grand public] with tags , , , on 17 juin 2015 by Yvan

Une mère russe plongée dans l’enfer tchétchène !

Aurélien Ducoudray et Anlor - Amère Russie, Les colombes de Grozny (Tome 2)« Les colombes de Grozny » clôture avec brio la quête improbable d’une mère au foyer russe qui tente de retrouver son fils soldat, fait prisonnier par les hommes du chef tchétchène Bassaïev.

Cette aventure en deux tomes signée Aurélien Ducoudray (The Grocery) et Anlor se poursuit dans les décombres de la ville de Grozny, où Ekaterina Kitaev vit désormais parmi les civils tchétchènes dans un immeuble à moitié détruit. Accompagnée de sa chienne et d’un soldat russe aveugle libéré par le général tchétchène, qui tente de combler le vide laissé par son fils, Ekaterina constate une nouvelle fois toute l’absurdité et l’horreur de ce conflit tchétchène.

Les auteurs dressent tout d’abord le portrait attendrissant d’une mère-courage qui remue ciel et terre pour récupérer son fiston. Au fil des pages et d’un voyage regorgeant de dangers et de rencontres surprenantes, le lecteur s’attache inévitablement à ce petit bout de femme qui allie courage et naïveté. Armée d’une obstination maternelle à toute épreuve, cette héroïne atypique ne manque en effet pas de séduire.

Cette quête humaine jonchée d’obstacles sert néanmoins également de prétexte pour s’intéresser au conflit intestin qui oppose la mère Russie au peuple tchétchène. Si l’auteur ne manque pas de pointer du doigt l’absurdité de cette guerre civile, tout en intégrant des éléments historiques, l’ancrage historique se retrouve très vite en arrière-plan de cette incroyable aventure humaine. En s’installant parmi des civils qui survivent tant bien que mal dans une ville ravagée par les bombardements, Ekaterina découvre un quotidien au milieu de snipers, fait de trafics en tout genre et de convois d’aide humanitaire détournés des plus nécessiteux. Même les retrouvailles inespérées avec le fiston ne manque pas de démontrer tout le mal qu’un tel conflit peut générer.

L’innocence de cette maman particulièrement attachante et les cabrioles de son petit chien contribuent cependant à insuffler un brin d’humour au récit, atténuant ainsi l’horreur de cette guerre que l’auteur décrit de manière non partisane, la barbarie n’étant pas le fruit d’un seul des deux camps. Le quotidien tragique des enfants est ainsi allégé par leur envie de jouer à Bomberman sur la console Nintendo pendant les quelques heures où l’électricité fonctionne.

Visuellement, le dessin semi-réaliste d’Anlor accompagne avec brio le scénario de Ducoudray. Proposant des personnages expressifs et hauts en couleurs et restituant avec grande efficacité les décors dévastés par le conflit, la dessinatrice livre un véritable sans-faute.

Un excellent récit qui mêle émotions et action sur fond historique, que vous pouvez retrouver dans mon Top de l’année !

Ils en parlent également : Yaneck

Jerome Charyn et François Boucq – Little Tulip

Posted in BANDES DESSINÉES, Festival BD Angoulême, François Boucq, Franco-Belge, Lombard, One-shots, Signé, [Angoulême 2015], [DL 2014], [Grand public] with tags , , on 14 novembre 2014 by Yvan

Au cœur d’un goulag sibérien !

Jerome Charyn et François Boucq - Little TulipPlus de vingt ans après « la Femme du magicien » et l’excellent « Bouche du Diable », deux albums parus chez Casterman, le romancier américain Jerome Charyn et le virtuose du dessin François Boucq (Bouncer, Le Janitor, Jérôme Moucherot) proposent une troisième collaboration, cette fois au sein de la Collection Signé du Lombard.

« Little Tulip » se déroule dans le New York des années 70 et met en scène un tatoueur de renom qui confectionne également des portraits robots pour la police. Si son talent permet souvent de retrouver les criminels assez vite, un tueur en série surnommé Bad Santa semble non seulement échapper à la clairvoyance du dessinateur « médium », mais fait également resurgir quelques fantômes du passé.

Et c’est cette époque de sa vie, servi sous forme de flashbacks, qui est la partie la plus intéressante de l’album. Car, derrière cette intrigue policière finalement assez simple, dont le dénouement ne m’a finalement pas plus convaincu que ça, se cache une jeunesse passée dans l’enfer des goulags russes. C’est là que Paul, alias “Little Tulip”, a développé ses talents de dessinateur et de tatoueur, vingt ans plus tôt, dès l’âge de 7 ans…

De ce gamin qui parvient à survivre grâce au dessin aux nombreux caïds qui peuplent ce camp sibérien des années 50, François Boucq livre une nouvelle fois des personnages forts, dont il a le secret. Sa capacité à animer des corps gravés par la dureté de leur environnement et de jouer avec ces volumes parsemés de tatouages est époustouflante, à l’image de cette scène de viol collectif où les dessins s’animent sur le rythme endiablé des corps. Restituant avec brio la férocité et la noirceur des goulags, il nous montre également une Big Apple des seventies comme si nous y étions.

Bref, un scénario qui n’est certes pas du niveau de « Bouche du Diable », mais une mise en images signée Boucq, qui me laisse une nouvelle fois bouche bée.

Fabien Nury et Thierry Robin – Mort au Tsar, Le Gouverneur

Posted in BANDES DESSINÉES, Dargaud, Diptyques, Fabien Nury, Franco-Belge, [DL 2014], [Grand public] with tags , , on 26 septembre 2014 by Yvan

La solitude d’un mort en sursis !

Fabien Nury et Thierry Robin - Mort au Tsar, Le GouverneurAprès l’excellent « La Mort de Staline », Fabien Nury (W.E.S.T.Il Etait Une Fois en France, L’or et le sang) et Thierry Robin restent en Russie pour un nouveau diptyque relatant la mort d’un de ses dirigeants. S’inspirant du roman de Léonid Andreïev (Le Gouverneur), rédigé avant l’attentat, et de celui écrit par Boris Savinkov (Le Cheval blême), principal organisateur de l’attentat qui tuera le gouverneur en 1905, Fabien Nury invite à suivre les derniers jours de Sergueï Alexandrovtich, gouverneur de Moscou et oncle du tsar Nicolas II.

La toile de fond historique dépeint une Russie en proie à la révolte populaire. C’est dans ce contexte extrêmement tendu que le gouverneur donne, sciemment ou par mégarde, le signal d’ouvrir le feu sur les manifestants… massacre qui attisera la haine du peuple et signera son arrêt de mort.

L’intérêt du récit n’est pas la fin tragique du personnage, celle-ci ne faisant dès le début aucun doute, mais le développement psychologique de ce personnage face à la perspective de sa propre mort. Nury dresse en effet le portrait intime d’un homme dépassé par les événements, qui voit lentement son monde se fissurer après avoir déclenché le compte à rebours de sa propre mort. Incapable de supporter le poids de sa fonction, l’homme tiraillé par ses contradictions et ses doutes, se retrouve progressivement abandonné de tous, résigné et seul face à sa mort. Le plus étrange est probablement que le lecteur finit par éprouver une réelle compassion envers ce personnage désemparé , qui n’a pourtant rien pour plaire à la base. C’est là tout le talent du scénariste.

Au dessin, Thierry Robin n’est pas en reste. Proposant à nouveau des planches d’une lisibilité remarquable, il parvient à retranscrire les nombreuses émotions et la solitude du personnage, tout en restituant l’ambiance pesante et menaçante de cette population mûre pour le révolte.

Vivement le second volet (Le Terroriste), qui aura tout de l’exercice de style, puisqu’il donnera le point de vue de celui qui va mettre fin à la vie du gouverneur.

Retrouvez cette BD dans mon Top de l’année et dans mon Top du mois !

Aurélien Ducoudray et Anlor – Amère Russie, Les amazones de Bassaïev

Posted in Bamboo, BANDES DESSINÉES, Diptyques, Franco-Belge, Guerre, [DL 2014], [Grand public] with tags , , , on 6 août 2014 by Yvan

Une mère russe plongée dans l’enfer tchétchène !

Aurélien Ducoudray et Anlor - Amère Russie, Les amazones de BassaïevCe diptyque signé Aurélien Ducoudray (The Grocery) et Anlor invite à suivre les pas d’une mère au foyer russe qui tente de retrouver son fils soldat, fait prisonnier par les hommes du chef tchétchène Bassaïev.

Les auteurs dressent le portrait attendrissant d’une mère-courage qui remue ciel et terre pour récupérer son fiston. Au fil des pages et d’un voyage regorgeant de dangers et de rencontres surprenantes, le lecteur s’attache inévitablement à ce petit bout de femme qui allie courage et naïveté. Armée d’une obstination maternelle à toute épreuve, cette héroïne atypique ne manque en effet pas de séduire.

Cette quête humaine jonchée d’obstacles sert également de prétexte pour s’intéresser au conflit intestin qui oppose la mère Russie au peuple tchétchène. Si l’auteur ne manque pas de pointer du doigt l’absurdité de cette guerre civile, tout en intégrant des éléments historiques, tels que ces femmes snipers évoquées dans le titre et auxquelles un bonus de plusieurs pages est consacré en fin d’album, l’ancrage historique se retrouve très vite en arrière-plan de cette incroyable aventure humaine. L’innocence de cette maman particulièrement attachante et les cabrioles de son petit chien contribuent également à insuffler un brin d’humour au récit, atténuant ainsi l’horreur de cette guerre que l’auteur décrit de manière non partisane, la barbarie n’étant pas le fruit d’un seul des deux camps.

Visuellement, le dessin semi-réaliste d’Anlor accompagne avec brio le scénario de Ducoudray. Proposant des personnages expressifs et hauts en couleurs et restituant avec grande efficacité les décors dévastés par le conflit, la dessinatrice livre un véritable sans-faute.

Vivement la conclusion de ce récit qui mêle émotions et action sur fond historique.

Retrouvez cet album dans mon Top de l’année et dans mon Top du mois.